Maria Eugenia Ignacia Agustina de Palafox y Kirkpatrick naquit le le 5 mai 1826, à Grenade (Espagne):
- Son père, Don Cipriano de Palafox y Portocarrero (1784-1839), Comte de Teba et frère cadet du Comte de Montijo (dont il reprendra plus tard le titre) s'était rallié à la France sous le Premier Empire. C'est ainsi qu'il participa, en tant qu'officier d'artillerie à la tête des élèves de l'École Polytechnique, à la bataille de Paris en 1814. Il fut fait Grand d'Espagne en 1834.
- Sa mère, Maria Manuela Kirpatrick de Closbourn y de Grevigne (1794-1879), une aristocrate mi-écossaise mi-espagnole, était la fille de l'Écossais William Kirkpatrick (qui fut notamment consul des États-Unis à Malaga) et la nièce du comte Mathieu de Lesseps.
- Sa sœur aînée, María Francisca de Sales (1825-1860), hérita de plusieurs titres familiaux, dont celui de Montijo. Elle épousa en 1849 le Duc d'Albe, propriétaire d'immenses biens, dont le Palais de Liria à Madrid (où mourut l'ex-impératrice soixante ans après sa sœur).
Mais en 1849, la rencontre avec Louis-Napoléon Bonaparte, alors Président de la République, lors d'une réception à l'Elysée, changea le cours de sa vie. La cour assidue du Prince-Président dura deux ans ! Suite à un incident lors d'un Bal aux Tuileries, le 12 janvier 1853, où Eugénie se fit traiter d'aventurière par l'épouse du Ministre de l'Education, Napoléon III décida de demander la main d'Eugénie. Dix jours plus tard, le 22 janvier 1853, il annonça officiellement son mariage devant le Sénat, le Corps Législatif et le Conseil d'Etat réunis.
Le mariage civil eut lieu le 29 janvier 1853, au Palais des Tuileries; le mariage religieux fut célébré le jour suivant, le 30 janvier 1853, à Notre-Dame. Pour l'occasion, l'empereur signa 3 000 ordres de grâce. La lune de miel eut pour cadre le Parc de Villeneuve-l'Étang, à Marnes-la-Coquette, au cœur du Domaine National de Saint-Cloud (domaine acquis par le futur Empereur). Eugénie adorait ce village, au point qu'une église y fut construite en son honneur et baptisée en son nom.
Leur fils unique, Louis-Napoléon naquît le 16 mars 1856. Pour marquer cela, Napoléon III prononça une amnistie générale pour tous les proscrits du 2 décembre (2). Il décida également que l'Impératrice et lui-même seraient les parrains de tous les enfants légitimes nés en France le 16 mars 1856 (c'est ainsi que près de 3 000 nouveaux-nés se retrouvèrent pensionnés).
Le 17 juillet 1856, l'Empereur prit des dispositions pour confier la Régence à l'Impératrice, tant que son fils serait mineur. Eugénie exerça effectivement cette Régence à trois reprises:
- En 1856, lors de la campagne d'Italie de l'Empereur
- En 1865, lors du voyage de Napoléon III en Algérie
- En 1870, après la déclaration de guerre et la capture de l'Empereur par les Prussiens.
Elle fut effectivement la dernière femme à avoir exercé, en France, de telles fonctions.
Sa personnalité, sa beauté éclatante, sa grande liberté d'allure, passionnée et séductrice lui apportèrent des commentaires élogieux mais aussi beaucoup de critiques. Les opposants à l'Empire la surnommèrent "Badinguette" (3) et Victor Hugo, ainsi que Maxime Du Camp, n'hésitèrent pas à aller de leurs plumes !
Protectrice des Arts , elle participa à la création du style Napoléon III pour les meubles (poirier noirci torsadé et incrustations de nacre), basé sur l'inspiration des siècles passés. Elle apporta son soutien à son vieil ami Mérimée (Inspecteur Général des Monuments Historiques), à Winterhalter (son peintre favori) mais aussi à des musiciens tels que Waldteufeul et Offenbach.
Son influence politique fut importante. Elle voulut que la France soutienne le Pape IX par les armes, alors que Napoléon III était favorable à la libération des autres états italiens .Elle soutint, contre les Anglais, le projet français d'ouverture du Canal de Suez; en 1869, après un passage à Istanbul, elle alla l'inaugurer avec les autres monarques européens (dont l'Empereur François-Joseph, qui fut impressionné par sa beauté). Elle poussa également à l'expédition militaire au Mexique qui, hélas, se termina en désastre (en dépit de l’héroïque résistance de la Légion Étrangère, durant la Bataille de Camerone). ;
Elle œuvra également pour faire avancer la cause des femmes. C'est ainsi qu'elle intervint personnellement en faveur de Julie-Victoire Daubié (pour la signature de son diplôme du Baccalauréat), du peintre Rosa Bonheur (pour lui obtenir la Légion d'Honneur) et de Madeleine Brès (pour qu'elle puisse s'inscrire en Faculté de Médecine).
Ne parlons pas de son importante collection de bijoux : ses achats ont été globalement estimés à l'énorme somme de 3 600 000 francs de l'époque (environ 11 722 000 euros actuels), somme à rapprocher des 200 000 francs (environ 650 000 euros) consacrés à l'achat d’œuvres d'Art pour sa collection personnelle ..
Mais le troisième tournant de sa vie fut l'exil, après la chute de l'Empire survenu le 2 septembre 1870 (4). En effet, dès le 4 septembre, la foule envahit le Palais Bourbon et l'Impératrice se réfugia chez son dentiste américain, le Dr Thomas W.Evans, qui organisa sa fuite en Angleterre. Cela sous la protection bienveillante de la reine Victoria, qui était une très grande amie du couple impérial.
Elle loua Camden Place à Chislehurst (c'est dans cette demeure que Napoléon III allait s'éteindre) et se consacra à l'éducation de son fils, assistée de son précepteur Augustin Filon. Quelques années plus tard, le Prince Impérial Louis-Napoléon, devenu Cadet de l'Académie Royale Militaire de Woolwich, fut affecté dans un corps de cavalerie à destination de l'Afrique du Sud. Il fut tué par les Zoulous, le 1er juin 1879, à Ulundi dans le Natal (une stèle commémorative fut posée, sur ordre de la Reine Victoria).
L'Impératrice Eugénie décida alors de s'installer à Farnborough, dans le Sud de l'Angleterre (Hampshire). En 1881, elle y fonda l'Abbaye St Michel (St Michael's Abbey) de Farnborough. Elle y fit construire un mausolée, dans lequel furent transférées les dépouilles de Napoléon III et du Prince Impérial Louis-Napoléon.
Par la suite, en infatigable voyageuse, elle partagea son temps entre l'Angleterre et la Côte d'Azur où, chaque fois, elle était invitée par son excellente amie Elisabeth, dite "Sissi", Impératrice d'Autriche. Préférant être un peu plus indépendante, elle se fit construire, en 1892, son propre Palais: la Villa Cyrnos (le nom "Cyrnos", "Corse" en Grec, fut choisi en souvenir de l'île où naquit Napoléon 1er, le fondateur du Premier Empire).
En 1904, elle fit don au Musée Carnavalet du berceau du Prince Impérial, offert par la ville de Paris à sa naissance . En 1906, âgée de 80 ans, elle fut la marraine de la Princesse Victoire-Eugénie de Battenberg, petite-fille de la Reine Victoria, baptisée dans la Religion Catholique Romaine afin de pouvoir épouser le Roi Alphonse XIII d'Espagne.
Malgré son âge, Eugénie continua à faire preuve d'une grande curiosité; elle assista notamment au premier "vol" britannique réalisé en octobre 1908, par Samuel Franklin Cody, au-dessus du Laffan's Plain (Hampshire), non loin de sa propriété de Farnborough.
Ayant survécu près d'un demi-siècle à son mari et à son fils unique, elle mourut à 94 ans au Palais de Liria à Madrid, propriété du Duc d'Albe, le 11 juillet 1920. La veuve du dernier monarque français laissait ainsi comme héritier, le Prince Victor Napoléon (5).
Eugénie fut inhumée dans la Crypte Impériale de la chapelle néo-gothique de l'Abbaye St Michel de Farnborough, aux côtés de son époux et de son fils. Lors de ses obsèques, un attaché d'Ambassade en poste à Madrid, Robert Chapsal, représenta la République; un drapeau français sur son cercueil fut remplacé par le drapeau anglais par l'Abbé de St Michel, qui déclara: "Maintenant, reposez en paix, Majesté !"
Pour terminer, mentionnons un excellent article (Le Figaro, 24 novembre 2014) dans lequel il est écrit ce qui suit:
" ... Étrange destin que celui d'Eugénie de Montijo (1826-1920),
dont la vie enjambe près d'un siècle,
mais qui ne vécut que 17 ans aux côtés de
Napoléon III ,
le dernier Empereur des Français,
dont le règne fut brutalement interrompu
par l'humiliante défaite de Sedan.
Triste destin aussi pour celle qui était considérée
comme l'une des plus belles femmes de son époque,
que de perdre l'un après l'autre son royaume d'adoption,
son époux et, chagrin ultime,
son propre fils unique,
Louis-Napoléon,
à seulement 23 ans ..."
Nota Bene Cet article est à porter, pour l'essentiel, au crédit d'une fidèle lectrice de ce Blog (AP) que je remercie encore très sincèrement. Il a été rédigé pour partie à base d'informations trouvées sur Internet (notamment sur les Sites Wikipedia et Opus-Mirabilis), ainsi que dans un excellent article du quotidien Sud-Ouest daté du 9 mars 2020 et consacré à l'Impératrice Eugénie. |
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(1) : De tous temps, la ville de Biarritz a été très prisée des membres de l’aristocratie anglaise, russe, française ou espagnole. Eugénie découvrit cette ville en 1834, à l'âge de huit ans. A partir de 1847, la Comtesse de Montijo prit l'habitude d'y venir tous les ans, accompagnée de ses deux filles. Eugénie adora Biarritz, comme elle adora les bains de mer et l'océan.
Plus tard, en 1852, elle y vint avec son époux pour plusieurs semaines (un mois pour lui et deux pour elle). Napoléon III tomba à son tour sous le charme de Biarritz, et décida d'y faire construire un petit palais pour son épouse: la Villa Eugénie. Un extraordinaire bâtiment en forme de "E" (pour Eugénie) qui commença à être habitable en 1856 (tout fut terminé en 1859), l'année même où le train desservait Biarritz. Dès lors, la venue du couple impérial devint rituelle et le mois de septembre devint le Mois de Biarritz. A l'égal de Compiègne, Fontainebleau et Saint-Cloud, Biarritz fut considérée comme un passage obligé dans l’année impériale. Ainsi, comme le souligne l'article du Sud-Ouest précité: "C’est à la jeune et intrépide Impératrice, débarquée sur la Côte Basque avec son époux en 1854, que Biarritz doit sa fortune et sa renommée".
La Villa d’Eugénie est devenue l'Hôtel du Palais (cliquer ICI), un établissement de classe mondiale doté du label officiel "Distinction Palace" (son restaurant principal, La Rotonde, est réputée être "la plus belle salle à manger au monde"). C'est dans ce cadre somptueux et chargé d'Histoire que, du 24 au 26 août 2019, se réunirent les Chefs d'État du "Sommet du G7":
La Villa d’Eugénie est devenue l'Hôtel du Palais (cliquer ICI), un établissement de classe mondiale doté du label officiel "Distinction Palace" (son restaurant principal, La Rotonde, est réputée être "la plus belle salle à manger au monde"). C'est dans ce cadre somptueux et chargé d'Histoire que, du 24 au 26 août 2019, se réunirent les Chefs d'État du "Sommet du G7":
(2) : Il s'agit des 27 000 personnes qui furent arrêtées, suite au Coup d'Etat du 2 décembre 1851 par lequel Louis-Napoléon Bonaparte abolit la République avant de se faire proclamer Empereur sous le nom de Napoléon III.
(3) : La Badinguette est une course pédestre organisée par le Club U.S. Ham Triathlon, dans la ville de Ham (80400), en hommage à l’Empereur Napoléon III. En 1840, suite’à un nouvel échec piteux sur la plage de Boulogne dans sa tentative de prendre le pouvoir, l'alors Prince Louis-Napoléon fut condamné à la prison perpétuelle et enfermé au Fort de Ham. Il s’en évada déguisé en badinguet (habits de maçon), d’où le nom Badinguette.
(4) : Le 2 septembre 1870, Napoléon III fut capturé lors de la Bataille de Sedan, signifiant la défaite de la France contre la Prusse, peu de temps après la déclaration de la guerre (19 juillet 1870). L'Empereur ,désormais prisonnier, se rendit en Belgique et prit ensuite le train pour être interné au Chateau de Wilhelmshöhe, à Kassel (Allemagne). Libéré par Bismark, le 19 mars 1871, Napoléon III partit en exil en Angleterre, pour y rejoindre son épouse et son fils. Il y mourut le 9 janvier 1873.
(5) : Victor Napoléon (1862-1926) était le fils de Napoléon (Jérôme) Bonaparte et de Clotilde de Savoie-Carignan. Né sous le Second Empire, il fut prétendant bonapartiste et Chef de la Famille Impériale. Il est parfois affirmé qu'il aurait pu régner sous le nom de Napoléon V.
(3) : La Badinguette est une course pédestre organisée par le Club U.S. Ham Triathlon, dans la ville de Ham (80400), en hommage à l’Empereur Napoléon III. En 1840, suite’à un nouvel échec piteux sur la plage de Boulogne dans sa tentative de prendre le pouvoir, l'alors Prince Louis-Napoléon fut condamné à la prison perpétuelle et enfermé au Fort de Ham. Il s’en évada déguisé en badinguet (habits de maçon), d’où le nom Badinguette.
(4) : Le 2 septembre 1870, Napoléon III fut capturé lors de la Bataille de Sedan, signifiant la défaite de la France contre la Prusse, peu de temps après la déclaration de la guerre (19 juillet 1870). L'Empereur ,désormais prisonnier, se rendit en Belgique et prit ensuite le train pour être interné au Chateau de Wilhelmshöhe, à Kassel (Allemagne). Libéré par Bismark, le 19 mars 1871, Napoléon III partit en exil en Angleterre, pour y rejoindre son épouse et son fils. Il y mourut le 9 janvier 1873.
(5) : Victor Napoléon (1862-1926) était le fils de Napoléon (Jérôme) Bonaparte et de Clotilde de Savoie-Carignan. Né sous le Second Empire, il fut prétendant bonapartiste et Chef de la Famille Impériale. Il est parfois affirmé qu'il aurait pu régner sous le nom de Napoléon V.