Parmi les véhicules et armes blindés qui ont fortement imprimé les combats au sol, durant la Seconde Guerre Mondiale, figurent notamment le Canon 88 allemand, le Char T34 soviétique, le Camion GMC américain et surtout la mythique Jeep américaine, dont on célèbre cette année le 80ème anniversaire.
Après la fin de la Première Guerre Mondiale, les Américains comprirent que l'ère de la "Cavalerie" était révolue et qu'il convenait d'accélérer la mécanisation de leur armée de terre. C'est ainsi qu'ils identifièrent le besoin urgent d'un véhicule léger, rapide, polyvalent et tout-terrain.
Le 11 juillet 1940, l'Etat Major U.S. lança donc un appel d'offre concernant un VLRTT (Véhicule Léger de Reconnaissance Tout-Terrain), auprès de 135 constructeurs, avec un cahier des charges absolument drastique :
(pour permettre, une fois les pneus démontés, d'emprunter les voies de chemin de fer)
(pour permettre à ce véhicule d'être soulevé facilement par quelques hommes)
69 autres exemplaires disponibles en 75 jours.
Bien que ce cahier des charges n'ait pu être respecté à 100% (notamment sur le critère poids), trois constructeurs sortirent du lot : Willys Overland Motors, American Bantam Car et Ford Motors. La firme Bantam fut la seule capable de présenter un prototype, du nom de "Blitz Buggy", dans le délai imposé. Elle réussit même cet exploit en seulement 45 jours, grâce au talent de l'un de ses Ingénieurs (Karl K. Probst) qui eut l'idée géniale de reprendre des pièces mécaniques déjà utilisées sur des véhicules de séries. Bien que Willys et Ford aient pu ensuite présenter leurs propres prototypes, respectivement "Willys MA" et "Ford GP", c'est le "Blitz Buggy" qui fut retenu.
Les capacités de production de Bantam ayant été jugées insuffisantes par l'armée américaine pour satisfaire les immenses besoins envisagés, les plans du "Blitz Buggy" furent déclarés propriété de l'Etat et un accord fut conclu avec Willys et Ford pour leur confier la production en série du modèle choisi. Leurs prototypes étaient en effet pratiquement identiques, la seule différence notoire étant la puissance des moteurs proposés: 60 cv pour la solution Willys contre 40 pour la solution Ford. L'armée américaine imposa le premier et c'est ainsi que les modèles "Ford GP" furent équipés de moteurs Willys, devenant alors les "Ford GPW". La "Willys MA" elle-même subit aussi quelques modifications, pour devenir la "Willys MB". Quant au constructeur Bantam, il obtint comme lot de consolation la licence de fabrication des remorques (également conçues par Karl K. Probst).
Voilà comment débuta, dès 1941, la production d'un VLRTT qui allait entrer dans la Légende sous le nom de "Jeep" (1), avec les caractéristiques suivantes :
Moteur : 4 cylindres essence, 2 199 cm3
Puissance : 60 cv à 3 820 tr/min
Transmission : crabotable aux 4 roues
Boîte : 3 vitesses + réducteur
Carrosserie : 4 places, châssis à longerons et traverses
Dimensions (L x l x h): 3,36 m x 1,58 m x 1,77 m
Pare-brise repliable à 1,32 m
Diamètre de braquage : 10,6 m
Freins : quatre freins à tambour à commande hydraulique
Suspensions : essieux rigides/ressorts à lames/amortisseurs hydrauliques
Poids à vide : 1 040 kg
Charge utile : 363 kg
Vitesse maxi : 105 km/h
Réservoir : 57 l
Consommation : 12-15 l/100 km
Autonomie : 380 km
- Elle était très facilement déployable, par terre/mer/air, soit directement en état de marche soit tout simplement sous forme de "Kit" dans des caisses en bois. Il suffisait alors de les monter sur place, une opération qui devint vite une routine pour les soldats. Ceux-ci en arrivèrent très vite à connaitre la voiture par cœur, ce qui permettra souvent de réaliser facilement bon nombre de dépannage sur les champs de bataille mêmes.
- Elle inspirait pleinement confiance par son côté "passe-partout" et ses utilisateurs étaient convaincus qu'aucun terrain ne pouvait lui résister. Elle pouvait avaler des pentes particulièrement raides, emprunter des voies ferrées, traverser des marécages (avec au besoin l'aide du treuil avant dont elle pouvait être équipée) et se tirer d'affaire en cas d'ensablement ou d'embourbement (elle disposait d'une pelle et d'une hache sur son flanc gauche et, parfois même, de plaques ondulées de désensablement sur son flanc droit).
- Grâce à sa simplicité, sa robustesse et à ses possibilités exceptionnelles, elle devint très vite le “couteau suisse” de l’armée américaine. On la vit tour à tour servir de plateforme pour mitrailleuse ou bazooka, d'ambulance, de corbillard et de chasse-neige. Le capot de son moteur fit très souvent office de table de poker, voire même de table d'opération chirurgicale sur le champ de bataille.
- Elle fut également la voiture favorite des hauts-gradés. Les généraux étaient très fiers de se déplacer en Jeep, assis à l'avant à la droite de leur chauffeur. C'était notamment le cas de Douglas MacArtur (avec sa célèbre pipe en maïs "cinq étoiles") et de George Patton (avec son fameux "COLT 45 Single Action Army", dit "Peacemaker" et à la crosse en ivoire gravée de ses initiales, qu'il portait toujours à la ceinture à l'image des cow-boys). Le Président Franklin Roosevelt lui-même avait l'habitude de passer les troupes en revue, à bord d'une Jeep (spécialement aménagée pour pouvoir accueillir le fauteuil roulant dont il avait besoin).
Pour illustrer tout ce qui précède, voici deux petites vidéos mettant en évidence les caractéristiques techniques et les possibilités de cette extraordinaire Jeep qui, décidément, savait tout faire :
Par la suite, Willys céda sa licence à plusieurs constructeurs, dont Hotchkiss au profit de l'armée française (en 1952). C'est ainsi qu'on retrouva la Jeep sur les champs de bataille d'Indochine et d'Algérie.
A la fin des hostilités, l'armée américaine, au moment de rentrer chez elle, abandonna sur place une quantité gigantesque de matériel de toute sorte (équipements, outils, véhicules, blindés, etc.), dont des milliers de Jeeps ... et cela pour le plus grand bonheur des pays concernés (6).
Aujourd'hui encore, le mythe Jeep se perpétue, notamment grâce à l'action persistante de nombreux collectionneurs passionnés. Certains modèles, complètement remis à neuf et dans les règles de l'art, peuvent être proposés à des prix dépassant les 35 000 €.
"La Jeep fut la plus grande contribution de l'Amérique à la guerre moderne !"
Sources | |
Histoire de la Jeep | |
Jeep Willys MB : Histoire, fiche technique et photos | |
Jeep Willys, un brave petit soldat ! (Le Point Automobile) |
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(1) : Il existe plusieurs versions quant à l'origine du nom "Jeep". Celle qui correspond le mieux au caractère minimaliste de cette voiture (sans aucun confort et conçue pour une courte durée de service) est l'acronyme "Just Enough Essential Parts" ("Juste Assez de Pièces Essentielles") ...
(2) : L'étoile blanche à 5 branches était le symbole permettant d'identifier tous les véhicules des forces alliées, y compris donc ceux de l'armée britannique. Durant la Guerre du Désert et à la demande des forces aériennes, le logo "Cercle-Etoile" blanc fut peint sur le capot moteur car, au-delà d'une certaine hauteur, l'unique étoile blanche risquait d'être confondue avec la croix blanche utilisée sur certains véhicules allemands.
(3) : Le pendant de la Jeep, du côté de l'armée allemande, était la célèbre VW 82 Kübelwagen ("Voiture Baquet"). Celle-ci, conçue par Ferdinand Porsche (une référence dans le monde de l'Automobile), était dotée d'une carrosserie ouverte relativement simple et comportait différents organes, dont le châssis de la voiture civile KdF-Wagen qui allait devenir plus tard la fameuse "Coccinelle".
Près de 55 000 exemplaires de cette Kübelwagen 82 furent construits et utilisés, durant toute la Seconde Guerre Mondiale.
(4) : Quelques années plus tard, deux autres véhicules allaient susciter le même engouement (certes dans un tout autre contexte): la Citroën 2CV et le Citroën Type H.