Impossible de ne pas avoir, chaque fois, le regard attiré par le spectacle majestueux de ces impressionnantes grues de chantiers, avec leur tour (ou encore mât) souvent haute de plusieurs dizaines de mètres servant de support et d'axe de rotation à une longue structure horizontale, dont deux composants retiennent toujours l'attention: le chariot mobile équipé d'un palan (pour soulever et déplacer les charges) et l'énorme bloc de béton (plusieurs tonnes) situé à l'une des extrémités.
Une question peut alors venir à l'esprit : Comment est-ce que tout cela a pu être hissé à une telle hauteur ? C'est précisément à cette interrogation que se propose de répondre ce petit article.
Les grues de chantier sont des appareils de levage, utilisés dans le domaine de la construction pour déplacer des charges. On les classes en deux grandes catégories :
- Les Grues Mobiles (ou Télescopiques)
Les Grues Mobiles sont montées sur pneumatiques ou sur chenilles et font partie intégrante d'un véhicule. Avec un châssis tout-terrain, pouvant comporter plusieurs essieux dans le cas de solution sur roues, elles offrent l'avantage de se déplacer facilement sur la voie publique ou ailleurs.
Elles peuvent être équipées d'un bras de levage (flèche) particulièrement puissant, de forme télescopique (un élément coulissant à l'intérieur de l'autre) ou à éléments treillis démontables. A noter que leur rotation s'effectue toujours à la base.
Leur montage est pratiquement immédiat. En effet, une fois rendues sur le chantier concerné, elles pourront en moins d'une heure déployer leur longue flèche et commencer à travailler. Elles sont auto-lestées, à la fois par le châssis porteur et par un contrepoids sur la partie tournante. Selon la capacité de levage de ces machines, des contrepoids additionnels peuvent être mis en place sur la partie tournante. Elles se pilotent à partir de leur cabine (si elles en sont équipées), ou à partir du sol par télécommande (avec ou sans fil).
Elles sont généralement choisies pour la construction de petits ouvrages comme villas ou édifices de quelques étages. Malgré leur mobilité aisée, les Grues Mobiles peuvent avoir des capacités de levage impressionnantes. Lors de la construction du Stade de France (Saint-Denis), l'une d'entre elles, dans une configuration à flèche de type treillis démontable, permit d'avoir une capacité de levage de 1 200 tonnes. Mais on trouve encore bien mieux, notamment dans le cas de Mégastructures (1).
- Les Grues Statiques (ou à Tour)
Au contraire des précédentes, les Grues Statiques sont ancrées sur un châssis scellé sur un bloc en béton (coulé dans le sol) et/ou lestées à la base par des blocs de béton. Leur avantage est bien sûr de fournir une plus grande capacité de charge à déplacer.
On en distingue deux types, suivant leur mode de montage (élévation) :
- Les GMA (Grues à Montage Automatisé)
Les GMA sont en général transportées sur le chantier, complètement dépliées, sur une remorque porte-engin. Elle peuvent également être tractées, reposant alors sur un ou deux essieux démontables. Une fois sur place, elles se montent en se dépliant.
Leurs trois composants principaux sont le châssis, le mât et la flèche. Le châssis est solidement fixé sur une surface parfaitement horizontale en béton et lesté par un ou plusieurs blocs de béton. Ce contrepoids (ou lest), placé au pied du mât de la machine, est relié à la flèche par un câble vertical appelé "Retenue". Le calage ainsi réalisé, la suite du montage s'effectue de façon autonome et en quelques minutes: un vérin hydraulique agit sur le mât pour le placer en position de travail et un mécanisme de treuils et câbles déploie progressivement la structure.
Les GMA ont en général une taille fixée, mais certaines offrent néanmoins la possibilité d'une hauteur variable grâce à l'ajout de mâts complémentaires.
Les opérations sont pilotées à partir du sol par télécommande (avec ou sans fil), permettant au grutier de se déplacer sur le chantier en suivant sa charge des yeux. Durant ces opérations, c'est l’ensemble mât-flèche qui tourne, grâce à une couronne de rotation placée en bas, sur le châssis.
Les GMA sont principalement conçues pour la construction de maisons individuelles, de bâtiments industriels, de logements collectifs jusqu’à trois ou quatre étages et de petits ponts. Dans ce contexte-là, pour les plus grandes d'entre elles, la capacité de levage se situe entre 8 tonnes/13,10 mètres de portée et 1,5 tonne/50,00 mètres de portée. Mais on trouve encore bien mieux, notamment dans le cas de Mégastructures (2).
Voici une petite animation (trouvée sur Internet) illustrant parfaitement ce qui vient d'être dit :
- Les GME (Grues à Montage par Eléments)
Ces GME sont celles auxquelles le premier paragraphe de cet article fait référence. Dans le cadre des chantiers BTP classiques, il s'agit de loin des grues les plus imposantes et les plus puissantes. Elles sont immédiatement reconnaissables avec leur tour verticale et leur longue flèche pivotant au sommet de celle-ci.
Structure d'une GME
Les principaux constituants d'une GME (Grue à Montage par Eléments) sont les suivants :
Châssis : Base de toute la structure, scellée sur un énorme bloc de béton (plusieurs tonnes) ancré dans le sol.
Lest : Ensemble de divers blocs de béton empilés en pied de tour, sur le châssis, pour assurer la stabilité verticale de la grue et éviter toute chute ou renversement.
Tour/Mât : Treillis métallique formé de multiples éléments carrés de hauteur variable, empilés les uns sur les autres (à la façon d'un Lego), servant de support à la flèche.
Pivot : Support de l'axe de rotation de toute la partie supérieure horizontale (flèche, contre-flèche, cabine, etc.).
Flèche : Treillis métallique formé de multiples sections triangulaires, tournant autour d’un axe vertical. La flèche est l'élément qui permet à l’engin de levage d'avoir une portée et une hauteur suffisantes pour déplacer des charges à des endroits précis sur un chantier.
Contre-flèche : Treillis métallique se trouvant dans l'alignement de la flèche et supportant le contrepoids.
Contrepoids : Masse en béton fixée à la contre-flèche pour équilibrer le poids de la flèche ainsi que celui de la charge. Sans ce contrepoids, la charge ne pourrait pas être soulevée en toute sécurité.
Cabine de commande : Habitacle situé en haut de la tour, d'où le grutier commande toutes les manœuvres.
Câble de levage : Câble dont la résistance permet de manœuvrer une charge plus ou moins lourde. Pour déplacer la charge, le grutier joue sur la longueur du câble.
Chariot : Pièce mobile qui glisse le long de la flèche et qui supporte le câble de levage.
Chemin de roulement : Le chemin de roulement fait partie de la flèche et consiste en un alignement de poutres. C'est sous celles-ci que glisse le chariot.
Crochet : Pièce recourbée en acier, à laquelle la charge est suspendue.
Poulie de chariot : Ensemble de poulies guidant les câbles de levage de manière verticale.
Tirant : Câble métallique grâce auquel les efforts de traction sont répartis.
Treuil de levage : Système de poulies sur lesquelles les câbles de levage peuvent glisser, pour manipuler la charge soulevée par la grue.
Une autre caractéristique des GME est que la cabine de pilotage est située au sommet de leur tour. De plus, il sera possible d'accroître la hauteur de cette dernière (et donc de la GME elle-même) en cours de chantier. Quant à l'imposante flèche, elle pourra être soit horizontale (perpendiculaire à l'axe de la tour) soit relevable (angle variable par rapport à l'axe de la tour).
Déploiement d'une GME
Voici enfin venu le moment de répondre à la question soulevée dans le deuxième paragraphe de cette article (cf. plus haut) !
Une GME sera toujours transportée sur les lieux mêmes du chantier, en pièces détachées. Elle sera ensuite montée, à la façon d'un Lego (élément par élément), avec l'aide d'une autre grue (mobile ou statique). Les différentes étapes du montage seront les suivantes:
- A : Installation du châssis de base sur une surface bétonnée préalablement aménagée. Cette base sera lestée par une centaine de tonnes de blocs de béton, en tenant compte de la hauteur de la grue, de son empattement et de l'effet au vent.
- B : Montage, au sol, de l'ensemble flèche/contre-flèche/système de levage (crochet, treuil, etc.).
- C : Pose, sur le châssis, des deux ou trois premiers éléments constituant la tour. Ces éléments (en jaune sur la figure précédente) se juxtaposent les uns sur les autres (façon Lego).
- D : Pose d'un composant fondamental, la cabine de télescopage (en vert sur la figure précédente), qui va jouer un rôle clé dans la poursuite du déploiement de la grue.
- E : Pose, au sommet des éléments déjà en place, du pivot puis de l'ensemble préparé en B (voir ci-dessus) et enfin de la cabine de pilotage. La contre-flèche sera lestée de quelques tonnes, en fonction de la longueur de la flèche proprement dite.
- F : C'est le moment où la GME en cours de montage devient autonome, sans l'aide de l'autre grue. C'est la cabine de télescopage et le treuil déjà en place qui vont permettre d'accroitre, pas à pas, la hauteur de la GME ... en insérant chaque fois un élément supplémentaire. Voici comment se réalise une telle opération (cf. figure ci-dessous):
- (1) : La GME, grâce à son treuil, hisse le nouvel élément (à insérer) à la bonne hauteur.
- (2) : La cabine de télescopage, grâce aux très puissants vérins hydrauliques dont elle est équipée, va soulever toute la partie supérieure d'une hauteur suffisante pour que le nouvel élément puisse être introduit dans l'espace rendu disponible.
- (3) : Les techniciens de la cabine de télescopage peuvent alors procéder à l'insertion du nouvel élément et à son assemblage au reste de la structure.
La petite animation ci-dessous (également trouvée sur Internet) illustre à la perfection tout ce qui vient d'être expliqué, concernant le déploiement d'une GME :
Voilà comment il est possible d'accroître régulièrement la hauteur d'une GME, en fonction de la progression du chantier, simplement en augmentant le nombre d'éléments assemblés grâce à la cabine de télescopage. A partir d'une certaine hauteur, pour des raisons évidentes d'accessibilité et de stabilité, il conviendra toujours d'ancrer la grue à l'édifice en cours de construction.
La GME la plus puissante au monde est la Kroll K-10000, aux caractéristiques suivantes : Hauteur libre : 84 mètres / Portée : 82 mètres / Empattement à la base : 18 mètres / Charge maxi à 44 mètres de portée : 240 tonnes / Charge maxi en bout de flèche : 120 tonnes / Section du mât : 8 mètres x 8 mètres. On comprend mieux que les GME puissent tenir un rôle considérable dans le cas de Mégastructures (3).
Sources | |
Comment construit-on les Grues ? | |
Comment monter une Grue ? | |
Glossaire et description des parties d'une Grue à Tour | |
Modèle 3G d'une Grue à Tour |
Dans le cas de Mégastructures
Dans le cas présent, le terme "Mégastructures" fait référence à des chantiers de type pharaoniques (construction d'une Centrale Nucléaire, construction du Viaduc de Millau, construction du Barrage des Trois Gorges en Chine, construction de la Tour Burj Khalifa à Dubaï, etc.). Autant de choses nécessitant l'utilisation d'engins colossaux (taille et puissance), au nombre desquels figurent des grues absolument extraordinaires.
(1) : Le record de la plus grande Grue Mobile du monde semble être détenu par la Liebherr LR 13000, un modèle de grue sur chenilles d’une hauteur totale de 245 mètres et d’une capacité de levage maximale de 3 000 tonnes. Un tel mastodonte est particulièrement efficace sur des chantiers de très grande envergure, de type construction de centrales électriques ou de raffineries (nécessité dans ce cas d'ériger des colonnes industrielles d'environ 1 500 tonnes et 100 mètres de long). La photo ci-dessous, montrant le châssis sur chenilles d'une LR 13000, donne une idée du "monstre":
(2) : La pose du dôme d’acier de 260 tonnes (43 mètres de diamètre et 14 mètres de hauteur) sur le toit du bâtiment abritant l'EPR de Flamanville (Manche), a nécessité d'utiliser une Sarens SGC 120, sorte de GMA aux caractéristiques absolument phénoménales: flèche de 170 mètres de long, capacité de levage de 3 200 tonnes, 4 000 tonnes de composants (250 rotations de camions pour les transporter) et 10 semaines pour monter le tout. Voici un petit 'Clip' au sujet de cet engin hors du commun:
- Le premier concerne la construction du Centre Lakhta de Saint-Pétersbourg (Russie). Culminant à 462 mètres au-dessus du Golfe de Finlande, il s'agit du plus haut bâtiment d’Europe et du plus grand gratte-ciel septentrional du monde. Pas moins de 10 GME à flèche relevable furent utilisées.
- Le deuxième concerne la construction de la très célèbre Tour Burj Khalifa de Dubaï (828 mètres). Les images disent tout ...
Pour pleinement savourer chaque vidéo, une fois celle-ci démarrée, se mettre en "Plein Ecran" en cliquant sur la petite icône située dans la partie inférieure droite de l'écran. Ensuite et à tout instant, il sera possible de revenir à l'état initial en cliquant à nouveau sur cette même icône ! Cela, naturellement, en utilisant, au strict minimum, un casque audio de qualité !!! |