dimanche 1 mai 2022

"Nessun Dorma" (Turandot, Puccini) ...

"Nessun dorma" est l’air que chante le Prince Calaf dans l’acte III de l’opéra Turandot, oeuvre en trois actes et cinq tableaux de Giacomo Puccini (1858-1924) sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni d'après Carlo Gozz. 

Il se trouve que le 29 novembre 1924, Puccini mourut brutalement, victime d'une crise cardiaque, sans avoir pu terminer son opéra. Fort heureusement, sur son lit furent retrouvées les esquisses du duo d’amour et du final de Turandot. C'est ainsi que la dernière scène de cette œuvre, laissée inachevée par le compositeur, put être complétée par Franco Alfano (Assistant de Puccini) avec l'aide du Chef d'Orchestre Arturo Toscanini (1), grand ami du Maestro disparu.

Ce drame lyrique se déroule dans la Chine antique. Sous le prétexte de venger une lointaine aïeule, Turandot, fille de l'Empereur, s’est prise d’une haine féroce pour les hommes. Elle fait allègrement décapiter ses prétendants malheureux, incapables d'avoir réussi la traditionnelle épreuve des trois énigmes qu'elle leur soumet systématiquement. Calaf, fils du roi déchu Timur, lui, y parvient. Cependant, devant le désespoir de la hautaine jeune fille qui se voit vaincue, il se soumet de lui-même à une autre terrible et symbolique condition: si Turandot réussit à découvrir son nom avant la fin de la nuit (ce qui nous vaut la célébrissime aria "Nessun dorma"/Que personne ne dorme !), alors il mourra ...

Cette aria pour Ténor est considérée, par beaucoup de mélomanes, comme la plus belle de tout l'Opéra (plongé dans la solitude de la nuit pékinoise, le Prince inconnu attend le jour pour pouvoir enfin conquérir l'amour de Turandot, la Princesse de glace). En voici les paroles (2):

La foule:
Nessun dorma ! Nessun dorma !
Que personne ne dorme ! Que personne ne dorme !

Calaf:
Nessun dorma ! Nessun dorma !
Que personne ne dorme ! Que personne ne dorme !
Tu pure, o Principessa,
Et toi aussi, ô princesse,
Nella tua fredda stanza
Dans ta chambre glaciale,
Guardi le stelle che tremano
Tu regardes les étoiles qui tremblent
D'amore e di speranza !
D'amour et d'espoir !

Ma il mio mistero è chiuso in me,
Mais mon mystère est enfermé en moi,
Il nome mio nessun saprà !
Mon nom, nul ne saura !
No, no, sulla tua bocca lo dirò,
Non, non! Sur ta bouche, je le dirai
Quando la luce splenderà !
Quand la lumière resplendira !

Ed il mio bacio scioglierà
Et mon baiser brisera
Il silenzio che ti fa mia !
Le silence qui te fait mienne !

La foule:
Il nome suo nessun saprà
Nul ne saura son nom !
E noi dovrem, ahimè, morir, morir !
Et nous, hélas, devrons mourir, mourir !

Calaf:
Dilegua, o notte ! Tramontate, stelle !
Dissipe-toi, ô nuit ! Ô étoiles, couchez-vous !
Tramontate, stelle ! All'alba vincerò !
Ô étoiles, couchez-vous ! A l'aube, je vaincrai !
Vincerò ! Vincerò !
Je vaincrai ! Je vaincrai !

Tous les Ténors du monde lyrique ont inscrit "Nessun Dorma" à leur répertoire. A cet égard, je me suis risqué à établir un petit TOP 3 (sorte de podium) des différentes versions que j'ai eu l'occasion d'écouter jusqu'à ce jour. J'ai pu dégager trois d'entre elles mais sans parvenir à établir un quelconque classement (genre "Or/Argent/Bronze"). En effet, pour moi, elles sont d'égale valeur dans l'émotion qu'elles procurent. Ces trois versions sont les suivantes:
  • Version Mario Lanza  
Mario Lanza (1921-1959) était un Ténor hors pair, dont la voix était un véritable don de Dieu. Pour Arturo Toscanini, il s'agissait probablement de la plus belle voix de Ténor lyrique et dramatique du 20ème siècle. Pour le Ténor Nicolai Gedda, c'était la plus grande voix qu'il eût jamais entendue. Pour la Soprano Maria Callas, c'était peut-être même la plus belle voix de Ténor de tous les temps.  

Sa voix était de plus tellement puissante que Mario Lanza se permit un jour de chanter sans micro devant 8 000 personnes. Dans l'assistance se trouvaient Richard Bonynge, alors Directeur de l'Opéra de Londres et son épouse la Soprano Joan Sutherland; tous deux furent surpris par la puissance, la dimension et la beauté de cette voix.

Parmi les différentes interprétations de "Nessun Norma" par Mario Lanza, deux d'entre elles sont entrées dans la Légende. Tout d'abord celle du 21 juillet 1948 au Hollywood Bowl de Los Angeles, qui souleva d’enthousiasme l’auditoire extasié et reçut un tonnerre d'applaudissements. Ensuite celle du 21 juillet 1955, enregistrée pour le film Sérénade dont il était la vedette. En écoutant la bande-son du film, la Soprano Renata Tebaldi fut émue aux larmes.


Les Ténors José Carreras, Placido Domingo et Luciano Pavarotti reconnurent toujours en Mario Lanza leur véritable "Maître". Pavarotti eut même ces mots: "Pour moi, les trois plus grands Ténors qu'ait connus le monde sont Caruso, Gigli et Lanza !" 

Il est simplement regrettable qu'une telle voix n'ait pu bénéficier des moyens techniques actuels (enregistrements en qualité numérique, etc.).    

  • Version Luciano Pavarotti
Luciano Pavarotti (1935-2007) est souvent cité comme le plus grand et le plus populaire Chanteur d'Opéra depuis Enrico Caruso et Mario Lanza. Pendant plus de quarante ans de carrière, il a eu l'occasion de chanter les plus grands airs du Bel Canto (notamment Verdi et Puccini). 

Ses interprétations de "Nessun Norma" provoquaient chaque fois le délire. La plus émouvante fut sans hésitation celle du 10 février 2006, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques d'Hiver de Turin. Ce fut en effet sa dernière apparition sur une scène, très affaibli suite à des problèmes de santé qui allaient l'emporter l'année suivante. Ce soir-là, il donna le meilleur de lui-même et reçut une fantastique ovation de la part d'un public venu du monde entier. La vidéo qui suit en témoigne:

Au cours de sa brillante carrière, Luciano Pavarotti ne manqua pas de donner de nombreux concerts au profit d'œuvres humanitaires. On lui reconnait aussi le mérite d'avoir contribué à populariser la Musique Classique au cours de nombreux concerts télévisés, particulièrement lors des fameuses représentations des "Trois Ténors" (avec Plácido Domingo et José Carreras)

A son sujet, le Chef d'Orchestre autrichien Carlos Kleiber avait coutume de dire: "Quand Luciano Pavarotti chante, le soleil se lève sur le monde !". 

  • Version Andrea Bocelli
A ce jour, Andrea Bocelli a chanté Nessun Dorma" des centaines de fois mais, comme dans le cas de Mario Lanza, deux de ses interprétations resteront dans les mémoires.

La première eut lieu le 15 septembre 2011, dans le cadre d'un magnifique concert donné sur la Grande Pelouse du Central Park de New York devant 70 000 spectateurs. Ce soir-là, Andrea Bocelli était accompagné par le Westminster Symphonic Choir et le New York Philharmonic Orchestra.(plus de 200 musiciens au total). Tout de blanc vêtu, il chanta comme un Ange et captura les cœurs et l'imagination de tout le public. A la fin du spectacle, pris lui-même par l'émotion du moment, il eut une pensée toute spéciale pour son père défunt qui n'avait jamais eu la chance de connaître New York: "Je dédie cette soirée extraordinaire à la mémoire de mon père, c'était son rêve".

La seconde eut le le 11 juin 2021, sur la pelouse du Stade Olympique de Rome, lors de la Cérémonie d’Ouverture de l’EURO 2020 : un moment particulièrement fort en émotion pour les millions de téléspectateurs à travers le monde qui avaient attendu avec impatience cette compétition, reportée en raison de la pandémie COVID-19.

Si j'avais à identifier un TOP 10, j'inclurais sans hésitation aucune les interprétations de Piotr BeczalaRoberto AlagnaPlácido DomingoJose CuraMarcelo ÁlvarezJonas Kaufmann et SeGwon An (un pur produit de l'Ecole de Musique de Corée du Sud). Ces sept versions sont effectivement de toute beauté ...

Quant à l'opéra Turandot lui-même, l'une des plus belles productions (pour ne pas dire la plus belle) est incontestablement celle de Franco Zeffirelli donnée au MET (Metropolitan Opera de New-York) lors de la saison 2009-2010. En voici la scène finale:

Par chance il se trouve que, samedi prochain 7 mai 2022 (19:00 heure française), le MET retransmettra en direct l'opéra Turandot dans cette mise-en-scène même de Franco Zeffirelli (3)

Un de ces spectacles qu'il faut avoir vus dans une vie ...
  

Pour pleinement savourer chaque vidéo, une fois celle-ci démarrée, se mettre en "Plein Ecran" en cliquant sur la petite icône située dans la partie inférieure droite de l'écran.
Ensuite et à tout instant, il sera possible de 
revenir à l'état initial 
en cliquant à nouveau sur cette même icône ! 
Cela, naturellement, en utilisant, au strict minimum, un casque audio de qualité !!!

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(1) : Lors de la première de cet opéra à la Scala de Milan, le 25 avril 1926, Toscanini, comme il se l'était promis, en assura la direction musicale. Au troisième acte, juste après la scène montrant la mort de Liù, il posa soudainement sa baguette. Puis, se retournant vers le public, il déclara simplement: "Ici s’achève l’opéra du Maestro. Il en était là quand il est mort !". Un grand silence se fit dans la salle, tandis qu’on baissait le rideau lentement. Tout à coup, quelqu'un cria "Vive Puccini !" et la salle toute entière se leva dans une "standing ovation" ...
(2) : "Nessun Dorma" est l'un des accompagnements musicaux favoris du monde du Patinage Artistique, notamment lors des Jeux Olympiques d'Hiver.
(3) Cela dans le cadre du Programme MET Opera Live in HD, lequel concerne la retransmission en direct d'opéras par satellite et en Vidéo HD (Haute Définition) depuis le  METPlus de 200 villes dans 75 pays à travers le monde, dont les États-Unis, en bénéficient. En France, la distribution en est assurée par le réseau Gaumont (Pathé Live) dans différentes salles de cinéma/théâtre/etc. C'est la garantie d'assister, dans les meilleures conditions possibles (qualité des images et du son, gros plans, sous-titrage dans la langue locale), à des spectacles absolument extraordinaires: œuvres des plus grands compositeurs ayant marqué l'histoire de l'Art Lyrique et 'castings' de classe mondiale.