Les 100 ans de la marque Citroën ...

L'année 2019 a donné lieu à la célébration du centième anniversaire de la marque Citroën. 
Tout partira de l’imagination d’un homme, André Citroën (1878-1935), génial visionnaire, d’une force morale incroyable, qui allait révolutionner en Europe l'automobile, l'industrie et la publicité.

André Citroën connut ses premiers grands succès, dès 1901, avec la production à grande échelle d’engrenages à double chevron en V (Société Anonyme des Engrenages Citroën). Entre 1906 et 1914, il orchestra le spectaculaire redressement des Automobiles Mors, ce qui l'amena à se passionner pour la fabrication et la distribution à grande échelle, à l’image de son mentor Henry Ford. 

Mobilisé en 1914 pour participer à l’effort de guerre, il obtint très vite carte blanche de la part de l’Etat-Major pour mettre sur pied un outil de production d’obus en très grande série. Il acquit alors un terrain de 15 hectares (Quai de Javel) et y fit ériger en 3 mois une immense usine ultra-moderne. Il démarra alors, dans le pur ‘Fordisme’, une ligne de production avec pas moins de 13 000 ouvrières. Plus de 23 millions d'obus allaient y être produits, à raison de 10 000 par jour (des cadences inédites pour l’époque).

Au lendemain de l'Armistice, André Citroën décida de réinvestir ses bénéfices dans l'industrie automobile. En 4 mois, il procéda à l’entière reconversion de son usine (de l'armement vers l'automobile) avec, au passage, l'absorption de Mors. Il donna à l’ensemble le nom de Citroën, avec pour emblème historique le double chevron en V. Son voyage au USA (Usines Ford) l’avait convaincu de la nécessité de produire une automobile à grande échelle, c'est-à-dire avec une diffusion étendue au-delà des classes privilégiées. À l'image de la "Ford T", la future Citroën devrait être à la fois un outil de travail et un objet de loisirs.

Ainsi débutait l'une des plus grandes aventures industrielles des temps modernes, qui allait voir la production de plus de 300 modèles de véhicules, dont certains ont marqué à jamais l'industrie automobile. A cette extraordinaire épopée, doivent être associés les noms de trois autres génies (eux-aussi):

• André Lefèbvre (1894-1964)
  
  En 1933, cet Ingénieur de formation (École Supérieure d'Aéronautique)  proposa ses services à André Citroën. Comme lettres de créances, il lui présenta le concept de ‘traction avant’ qu’il venait d’imaginer. Il fut embauché sur le champ avec le statut de Chef du Bureau d’Etudes, lui accordant la plus grande liberté.
  
  Il donna alors libre cours à son génie de la conception, ce qui se traduisit en mai 1934 par l'annonce d'une voiture révolutionnaire, la Traction Avant, un véhicule conçu et réalisé, à partir d’une feuille blanche, en exactement un an.
  
  Sa vision du modernisme, de l'aérodynamisme et de la légèreté feront des merveilles. Il sera à l’origine, en collaboration avec Paul Magès et Flaminio Bertoni, de la création de trois autres modèles de légende: la Citroën 2 CV, le Citroën Type H et la Citroën DS.
• Paul Magès (1908-1999)
  
  Embauché chez Citroën à l’âge de 17 ans, en qualité de dessinateur et avec le BEPC comme seul diplôme, Paul Magès gravit rapidement les échelons. Nommé Ingénieur “qualité“ en 1940, il rejoignit peu après le Bureau d’Etudes pour y devenir le père de l’hydraulique chez Citroën.
  
  En effet, brillant inventeur, c’est lui qui mit au moins la fameuse suspension hydropneumatique (interaction d’un liquide et d’un gaz, dans une sphère, pour maintenir le véhicule à hauteur constante en toute circonstance) qui, dans un premier temps avec la 15 Six (1953) puis ensuite avec la DS 19 (1956), allait révolutionner le monde de l’automobile.
  
  Il fut également à l'origine des solutions de type "Assistance Hydraulique" utilisées pour la direction (incluant le fameux rappel asservi DIRAVI), le freinage et le changement de vitesses semi-automatique.
• Flaminio Bertoni (1903-1964)
  
  Cet homme hors du commun et aux talents multiples (sculpteur, architecte, peintre) naquit dans un milieu très modeste. Dès l’âge de 15 ans, à la mort de son père, il commença à travailler comme apprenti à la Carrozzeria Macchi de Varese, et eut ainsi l’occasion de se familiariser avec le travail de la tôle.
  
  Très vite, il se fit remarquer par ses dons de dessinateur et de sculpteur, qu’il perfectionna à l’École des beaux-arts de Varèse sous la direction de son maître Giuseppe Talamoni. Ayant ensuite rejoint l’usine Macchi, il s'y consacra au modelage de maquettes d’automobile.
  
  Sa notoriété dépassa rapidement les frontières de l’Italie et, en 1932, il fut contacté par André Citroën qui lui confia la direction du Service “Style“. Il y restera pendant plus de trente ans, jusqu’à sa mort (1964), se consacrant à façonner l’image des véhicules au double chevron. C’est ainsi qu’il conçut les carrosseries de la Traction Avant, de la 2 CV, de la DS et de l'AMI 6.

Impossible dans le cadre d’un tel article, de présenter la liste exhaustive de tous les modèles de véhicules que Citroën fabriqua durant le siècle écoulé. Mentionnons néanmoins quelques-uns d’entre eux, parmi les plus remarquables/remarqués, en spécifiant chaque fois (du moins dans la mesure du possible) les années de production ainsi que le nombre d’exemplaires vendus :

Type A (1919-1921, 24 093), Rosalie (1931-1938, 38 840),

Trêfle (1922-1926, 80 000), Traction Avant (1934-1957, 759 111),

Modèle H (1947-1981, 473 289), 2 CV (1948-1990, 5 114 961),

DS (1955-1975, 1 455 746)

GS (1970-1986, 2 473 499), Méhari (1968-1987, 144 953),

SM (1970-1975, 12 920), C3 Pluriel (2003-2010, 109 682),

C35 (1974-1991, 145 000),

C5 (2000-2017, 1 120 000), C6 (2005-2012, 23 384),

Modèles DS 3, DS 5 et DS 7 de la nouvelle marque DS Automobiles

Et parmi ces modèles, attardons-nous quelque peu sur ceux qui contribuèrent vraiment à faire entrer Citroën dans la Légende :

·     La Rosalie

Cette voiture est entrée dans l’Histoire. En effet, de mars à juillet 1933, elle réussit l’exploit de parcourir 300 000 kilomètres sur l’anneau de vitesse de Montlhéry, en 134 jours et à 93 km/h de moyenne. Elle battit, par la même occasion plus d’une centaine de records internationaux de vitesse, de durée et de distance. 

Bien entendu, André Citroën ne manqua pas de tirer profit d’un tel exploit. Il promit de verser 3 millions de francs de l’époque (soit environ 2,3 millions d’euros actuels) au constructeur automobile qui ferait mieux, avant le 1^er janvier 1935. Personne ne releva le défi ...

·      La Traction Avant (7 CV – 11 CV – 15 CV)

Véritable monument, modèle précurseur des voitures contemporaines, notamment par les technologies utilisées (fort peu exploitées à l’époque): traction avant, carrosserie monocoque, ligne basse et profilée, freins hydrauliques et tenue de route inégalée. 

De 1940 à 1945, la Traction Avant fut successivement la voiture favorite de la Gestapo, du Gouvernement de Vichy, puis de la Résistance. Après la guerre, la 15 Six fut vite baptisée “Reine de la route“. Sa fiabilité, ses performances et ses qualités routières exceptionnelles dignes de confiance en firent l’automobile préférée du sommet de l’Etat (Général de Gaulle), des notables, des gangsters (Gang des Tractions) et donc aussi … de la Police. Beaucoup de gens révèrent de pouvoir “rouler en 15“ … 

·      Le Type H

Ce véhicule de type utilitaire connut un succès extraordinaire, dans la mesure où il représenta l’outil de travail idéal pour une France en reconstruction (lendemain de guerre). Ce monocoque à traction avant, avec sa face avant en ""nez de cochon"" qui le rendit aussitôt sympathique, fut conçu en reprenant beaucoup d’éléments d'autres modèles de la marque. Construit en tôle ondulée (à la fois plus rigide et plus solide) et de forme très cubique, il offrait un volume utile de 7,32 m3 et disposait d'une porte coulissante latérale. De plus, il pouvait emporter jusqu’à 1 600 kg de marchandises, avec un seuil de chargement relativement bas et une hauteur intérieure permettant de se tenir debout. 

Il était absolument sans concurrence et fut utilisé dans une multitude de configurations : véhicules frigorifiques, fourgonnettes de vente ambulante adaptée à tous les types de commerce, ambulances, corbillards … sans oublier le très célèbre “Panier à salade“ de la Police …

·      La 2 CV

Connue pour être économique à l’achat comme au quotidien, confortable, fiable et d’une simplicité poussée à l’extrême, la 2 CV allait rapidement se convertir en un mythe vivant. Le succès fut immédiat et le carnet de commande explosa littéralement, avec des délais de livraison pouvant attendre jusqu'à cinq ans. Il faut dire que la France se remettait lentement de cinq années de guerre et les gens étaient avides de découvrir une autre vie. Beaucoup de Français réalisèrent que ce petit véhicule, au coût relativement abordable, allait leur en donner l'occasion. Grâce à lui, ils allaient connaitre eux-aussi le plaisir de pouvoir se déplacer à travers tout le pays, de partir en vacances en famille, etc. 

La 2 CV devint la voiture de tout le monde: agriculteurs, artisans, étudiants, membres du Clergé, etc. Chaque famille française a eu sa 2 CV, louant ses qualités techniques et notamment sa suspension révolutionnaire. Son succès dépassa largement le cadre de l'hexagone. Elle se vendit sur différents marchés européens (Angleterre, Belgique, Espagne, Portugal et Yougoslavie notamment), ainsi que sur d'autres continents (Chili, Argentine, Vietnam, Iran, et Afrique). C’est parce qu'elle était peu chère et très facile à entretenir, qu’elle réussit à conquérir les marchés émergents. Elle représente indiscutablement l’une des plus grandes réussites de l’industrie automobile ...

·      La DS

Véritable bombe du Salon de l’Auto 1955 ! Le nombreux public présent resta littéralement sidéré. La DS 19, qui tournait sur le stand, évoquait un OVNI venu du Futur. Elle était le fruit de la conjugaison des trois talents présentés plus-haut : André Lefèbvre, Paul Magès et Flaminio Bertoni. 

Cette voiture ne ressemblait absolument en rien à tout ce qui s’était vu auparavant. Sa ligne fluide surprenait avec son capot plongeant (sans calandre), son coffre incliné et ses feux de direction placés dans des cornets chromés dans le prolongement des panneaux de custode. A l’intérieur, un tableau de bord au design futuriste présentait un volant mono-branche derrière lequel se trouvait un levier de vitesses, maniable du bout des doigts (asservissement hydraulique) et faisant aussi office de démarreur. Mais la plus grande nouveauté était incontestablement sa suspension hydropneumatique, assurant un confort et une tenue de route stupéfiants. Pour compléter le tout, une assistance hydraulique pour la direction, le freinage et la boite de vitesse semi-automatique (pas de pédale d’embrayage). Tout cela mit absolument K.O. une concurrence, qui se trouva soudain reléguée 20 ans en arrière.

La DS sera proposée en plusieurs versions différentes : déclinaison "ID", berline, coupé, cabriolet et break (idéal pour les ambulances, grâce à sa suspension). Le Général de Gaulle, abandonnant sa "15 Six", en fera la voiture officielle de la Ve République (sa propre DS et son chauffeur lui sauveront la vie, lors de l’attentat du Petit-Clamart). Différentes améliorations (cylindrée, finitions, …) permettront à cette extraordinaire voiture de poursuivre une carrière jusqu’en 1975. Elle participa à de très nombreuses compétitions, avec des résultats éblouissants. 

En 1999, la DS fut récompensée par une troisième place au "Concours International de la Voiture du Siècle" (Miami, Floride), derrière la "Ford T" et la "Mini". Cette même année, elle fut élue “plus belle voiture de tous les temps“ par le magazine britannique Classic & Sports Car. 

Avec la Caravelle, le TGV et Concorde, elle fut, pour la génération des "Trente Glorieuses", l'un des symboles de la réussite de la France. Elle restera l'une des voitures les plus abouties de l'Histoire, à laquelle aucune autre ne ressemblera jamais ...

Depuis 1976, Citroën fait partie du Groupe PSA (Peugeot Société Anonyme). En 2014, un peu à l’image de ce que fit Toyota avec Lexus, Citroën a créé une marque spécifique pour faire revivre le prestige automobile à la française. Cette nouvelle marque porte le nom de DS Automobiles (DS pour “Distinctive Serie“ mais aussi, probablement, en hommage à la fabuleuse DS de 1955). Plusieurs modèles sont déjà disponibles: DS 3, DS 4, DS 5 et DS 7 Crossback ... 

Quelles voitures espérer pour demain ? Pour marquer ce centenaire, aurons-nous droit, de la part de Citroën à un autre modèle d'anthologie ... conforme à son inépuisable créativité ? A l'image par exemple du fabuleux prototype CXperience, élu "Concept Car du Mondial 2016" et qui donnait un aperçu du confort des futures Citroën ! Ce serait l'occasion d'ancrer encore davantage l'image de Citroën dans le cœur de tous les Français ...

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