L'Empire Inca (appelé Tahuantinsuyu ou Tahuantinsuyo en "quechua", langue des Incas), à son apogée au début du XVIème siècle, dominait les Andes et la côte Pacifique de l'Amérique du Sud. Cette civilisation, remarquable par ses compétences administratives et ses pratiques agricoles avancées, était devenue l'une des plus sophistiquées des Amériques précolombiennes.
L'arrivée des conquistadors espagnols en 1532 en précipita la chute. En quelques années, les Incas succombèrent face à la supériorité technologique et militaire des Espagnols. L'empire s'effondra, laissant place à la domination coloniale espagnole. La culture, la langue, la religion incas furent réprimées et la population décimée. Comprendre la chute de l'Empire Inca est essentiel pour saisir l'histoire de l'Amérique du Sud et les défis contemporains. Ce petit article se propose précisément d'examiner les causes de cette chute, les tactiques des conquistadors et les effets sur les peuples autochtones. Cela afin de mieux comprendre les dynamiques qui ont façonné cette région du monde.
L'armée inca était l'une des plus puissantes et des mieux organisées de son temps. Elle était composée de soldats professionnels et de conscrits, répartis en unités régulières et spéciales. Elle disposait d'un armement composé notamment de lances, de massues, d'arcs et de flèches, ainsi que d'armures en coton rembourré.
Ainsi doté, l'Empire Inca avait prospéré pendant plusieurs siècles, pour atteindre son apogée au début du XVIème.
C’est lors de deux expéditions, sur les côtes de l’Équateur (1524-1525) et du Pérou (1526-1528) actuels, qu'eurent lieu les premières rencontres directes entre les Incas et un groupe de conquistadors espagnols, sous les ordres de Francisco Pizarro et Diego de Almagro. Ces rencontres furent souvent des sources de malentendus et de tensions croissantes entre les deux côtés.
Dans les années 1520, c'est l'Empereur Inca Huayna Cápac qui était au pouvoir. Huáscar et Atahualpa (cf. photo ci-dessous, respectivement de gauche à droite) étaient deux de ses nombreux fils: le premier (Huáscar) étant un fils légitime (sa mère était l'épouse principale de Huayna Cápac), le second (Atahualpa) étant un fils illégitime (sa mère était l'une des concubines de Huayna Cápac).
Il s'ensuivit une guerre civile qui dura plusieurs années. Atahualpa finit par vaincre Huáscar lors de la bataille de Quipaipan, en 1532. Huáscar fut capturé et emprisonné. Ses partisans furent massacrés et il dut assister, impuissant, à l'assassinat de ses 80 enfants et au viol de ses épouses (la polygamie était de mise chez les Incas). Il subit des sévices humiliants en attendant qu'Atahualpa, qui avait été couronné Empereur (Sapa Inca) statue sur son sort. Malheureusement, cette lutte sanglante et sans merci laissera l'Empire divisé et contribuera beaucoup à sa perte.
Comme si cela ne suffisait pas, les Incas furent à l'époque également frappés par une vague d'épidémies de maladies "européennes", comme la variole, qui s'était propagée depuis l'Amérique Centrale, encore plus rapidement que les conquistadors eux-mêmes. C'est l'une de ces maladies qui tua probablement Huayna Capac et, dans certains endroits, un pourcentage stupéfiant de 65 à 90 % de la population mourut de cet ennemi invisible.
Le règne d'Atahualpa avait très mal commencé. Son autorité était contestée par ses rivaux et son peuple avait été durement touché à deux reprises: tout d'abord par la désastreuse guerre civile et ses millions de morts (cf. paragraphe précédent) et ensuite par une très violente épidémie de variole qui avait ravagé les populations andines.
C. Le massacre du 16 novembre 1532 à Cajamarca et la capture d'Atahualpa
Une fois sur place, Pizarro réalisa l'infériorité numérique de sa troupe par rapport à l'armée qui accompagnait Atahualpa. Il ne disposait effectivement que de 168 hommes, bien que ceux-ci aient l'avantage d'être équipés d'armes à feu, de canons, de lances/épées en acier, d'arbalètes, d'armures en métal et de chevaux, autant de choses inconnues des Incas.
Pizarro décida alors d'avoir recours à un véritable traquenard. Il envoya des émissaires à Atahualpa, invitant ce dernier à rencontrer son groupe dans la ville. Atahualpa accepta, considérant probablement les Espagnols comme des étrangers curieux et sans importance.
Le 16 novembre, Atahualpa arriva donc à Cajamarca avec une suite de plusieurs milliers de personnes, pour la plupart désarmées, conformément aux conditions fixées par Pizarro. Cependant, une fois que le "Sapa Inca" et son escorte furent entrés dans la ville, les Espagnols (qui s'étaient dissimulés dans différentes bâtisses) lancèrent une attaque surprise. Ils ouvrirent le feu avec toutes les armes dont ils disposaient et chargèrent avec leurs chevaux, semant la panique et la confusion parmi les Incas.
Atahualpa comprit rapidement que les Espagnols étaient motivés par l'or et les richesses. Il offrit donc à Pizarro l'équivalent en or du volume de sa cellule (11,80 m de long pour 7,30 m de large et 3,1 m de haut) et une quantité double en argent, en échange de sa libération (cf. ci-dessous, photo de la prison). Pizarro accepta l'offre, voyant là une occasion d'acquérir une grande quantité de richesses mais sans pour autant avoir l'intention de tenir parole. C'est ainsi que, depuis tout l'Empire et notamment de Cusco, arrivèrent des convois chargés d'énormes quantités d'objets en or et en argent: vaisselle, seaux, vases, masques et autres objets (cf. petit échantillon dans la colonne droite de ce Blog, partie haute).
Malheureusement, l'exécution de Huáscar eut pour conséquence de renforcer encore davantage les dissensions et la rancœur entre "huáscaristes" (partisans de Huáscar) et "atahualpistes" (partisans d'Atahualpa), facilitant ainsi l'enracinement du pouvoir espagnol dans un pays divisé.
Concernant la rançon elle-même, elle fut entièrement réglée avec livraison des volumes d'or et d'argent escomptés, soit 6 087 kg d'or fin et 11 793 kg d'argent (3). Atahualpa avait donc tenu parole mais, malheureusement, Pizarro n'allait pas respecter la sienne.
E. L'exécution d'Atahualpa et ses conséquences
En fait, Pizarro révéla sa véritable nature impitoyable. Insinuant que les généraux d'Atahualpa ne lui obéissaient plus, et en dépit de la parole qu'il lui avait donnée, Pizarro estima qu'il n'avait aucun intérêt à le conserver en vie. Il l'accusa donc de la mort de Huáscar, de polygamie, de mariage incestueux et de trahison envers les Espagnols, puis le fit juger par un tribunal espagnol.
Atahualpa fut condamné à mort. Ayant demandé à être baptisé pour ne pas être brûlé vif, châtiment terrible qui aurait voué le "Fils du Soleil" au néant (4), il fut donc condamné à être garrotté.
Suite à cela, Charles Quint promulgua en 1542 les "Nouvelles Lois", qui interdisaient l'esclavage des Indiens et protégeaient leurs droits en tant que sujets de la Couronne 'Espagne. Bien que les "Nouvelles Lois" aient été, par la suite, largement ignorées et violées par les colons espagnols, elles reflétaient bien l'attitude éclairée de Charles Quint envers les peuples indigènes des Amériques (5).
- La première à
Jauja (15 octobre 1533), face aux troupes des
généraux Yurac Huallpa et Ihua Paru. Les Espagnols et leurs auxiliaires
indiens se livrèrent à un véritable massacre.
C'est à Jauja que Túpac Hualpa mourut, non pas lors de la bataille mais de façon inexpliquée (probablement par empoisonnement), - La deuxième à Vilcas (27 et 28
octobre 1533) face aux troupes des généraux Apu Mayta (appelé aussi Apo
Maita) et Quizquiz. Les Espagnols finirent par avoir le dessus mais
eurent de nombreux blessés.
- La troisième à Vilcaconga (8 novembre 1533) face à nouveau à l'armée de Quizquiz et de ses alliés indiens Tarmas. Quatre cavaliers espagnols furent massacrés.
- Un saccage en règle Les Espagnols pénétrèrent violemment dans les monuments et les lieux sacrés des Incas. Saisis de frénésie, ils dépouillèrent les momies de leurs trésors, emportèrent les ornements en métal précieux, arrachèrent les revêtements d'or et d'argent plaqués contre les murs. L'exemple le plus typique fut la dévastation du "Temple du Soleil", un site emblématique pour les Incas (cf. photo ci-dessus).On raconte que la profusion était telle que les hommes finirent par délaisser l'argent pour ne prendre que l'or, arrivant même à une sorte d'écœurement. Le butin saisi fut supérieur de 20% à celui de Cajamarca et son partage eut lieu le 22 février 1534.
- Le sacre de Manco Cápac II Dès le lendemain de la prise de Cusco, soit le 16 novembre 1533, Pizarro fit de Manco Inca le nouveau "Sapa Inca" (Empereur), mais en même temps un vassal de la Couronne d'Espagne. Les Espagnols l'appelèrent Manco Cápac II (7), car ils apprirent que le premier Inca s'appelait déjà Manco (Manco Cápac). Se croyant l'objet de flatteries de la part des Espagnols, Manco Cápac II accepta naïvement de reconnaître le Roi d'Espagne comme souverain suprême de tous ses domaines. Il ordonna également que son armée, soit quelque 5 000 soldats sous le commandement de son frère Paullu Inca, quitte la ville pour se joindre aux expéditions des Espagnols contre Quizquiz.
- Il ne pouvait régner, bien qu'étant dans le Palais de ses ancêtres, .
- Il ne pouvait recevoir ses sujets sans être surveillé.
- Il ne pouvait pas se déplacer librement à Cuzco.
- Il constatait de multiples abus de la part des Espagnols contre les femmes de la noblesse, le peuple et les "Vierges du Soleil" (8).
- Il souffrait de quolibets et de très mauvaises blagues de la part de ces mêmes Espagnols.
- Il réalisait à présent que leur intention était bien de prendre le contrôle total de l'Empire.
- Le siège de Cusco (mai 1536 - mars 1537) Le 6 mai 1536, les forces mancocapistes attaquèrent la ville par surprise, où la plus grande force espagnole était commandée par Hernando Pizarro. Après plusieurs jours de combats, elles conquirent la forteresse de Sacsayhuamán dominant la ville (cf. photo ci-dessous), ce qui mit les défenseurs espagnols de Cusco dans de sérieuses difficultés. De fait, elles leur infligèrent de lourdes pertes. C'est ainsi que Juan Pizarro, l'un des quatre frères, fut mortellement blessé. Le siège de la ville dura plus de huit mois, et les mancocapistes, voulant étendre leur révolte sur tout le territoire inca, attaquèrent Cuzco violemment "chaque nuit de pleine lune". Les Espagnols luttèrent et se défendirent comme des hommes n’ayant d'autre espoir que le secours de Dieu. Leurs propres forces diminuaient chaque jour, à cause des pertes subies. Heureusement pour eux, ils reçurent du renfort de la part d'un contingent de l'armée de Diego de Almagro, lequel était parti pour une longue expédition au Chili (territoire du Collasuyo) dont il prendra possession en 1536. Ils lancèrent alors une contre-attaque féroce, avec toutes leurs forces (cavalerie, etc.). La bataille dura plusieurs jours, avec de lourdes pertes des deux côtés. Une fois de plus, malgré leur supériorité numérique, les Incas ne purent rien faire contre la supériorité technologique des Espagnols. Ceux-ci reprirent la forteresse, ce qui changea la donne: les forces de Manco Cápac II durent mettre fin au siège de la ville en avril 1537 et se réfugièrent dans la forteresse de Ollantaytambo (cf. plus bas).
- Le siège de Lima (10 au 26 août 1536)
Pour tenter d'empêcher Pizarro d'envoyer des renforts afin de soulager le siège de Cusco, les forces de Manco Cápac II (40 000 hommes environ), sous la direction de son lieutenant Quizu Yupanqui (9), assiégèrent Lima (la nouvelle Cité des Rois), entre le 10 et le 26 août 1536. La ville, vieille de seulement 18 mois, était défendue par une armée hispano-indigène, placée sous le commandement de Pizarro en personne.
Quizu Yupanki avança sur Lima, mais ne parvint pas à surprendre la défense bien organisée des Espagnols, qui bénéficiaient du soutien de milliers d'alliés indigènes, parmi lesquels les Curacas (locaux de la vallée de Lima), les Yauyos et les Huarochiri..
La principale attaque contre Lima eut lieu le 24 août 1536, où Quizu Yupanki fut pris dans une embuscade et tué par la cavalerie espagnole (une lance lui traversa la poitrine). Les autres chefs incas qui l'accompagnaient subirent le même sort. Les Incas poursuivirent le combat mais furent confrontés à des armes supérieures et à des désertions de certains de leurs alliés, notamment des Huancas, qui rejoignirent le camp des Espagnols.
Constatant leur échec, les capitaines incas décidèrent, le 26 août 1536, de lever le siège et de se retirer par les vallées de Chillón et Lurín (9). Cette défaite affaiblit la rébellion de Manco Cápac II et permit aux Espagnols de renforcer leur contrôle sur la région.
- La bataille d'Ollantaytambo (janvier 1537)
Après avoir abandonné le siège de Cusco, Manco Cápac II avait replié son armée (30 000 hommes environ) dans la forteresse d'Ollantaytambo, située à 43 km à vol d'oiseau de Cusco, dans la "Vallée Sacrée" des Incas. Cette forteresse avait la particularité d'être dotée d'un ensemble de hautes terrasses agricoles (cf. figure ci-contre), qui fermaient la vallée entre les montagnes et un profond canyon formé par le fleuve Urubamba. Ces terrasses étaient un véritable obstacle pour la redoutable cavalerie espagnole et les Incas en avaient fait un véritable camp retranché. Il faut dire que, après tant d'affrontements, ils avaient beaucoup appris des techniques espagnoles.
En janvier 1537, pour mettre fin au conflit et surtout en terminer avec Manco Cápac II, Hernando Pizarro attaqua la forteresse d'Ollantaytambo, à la tête d'une armée composée de 100 Espagnols (30 fantassins et 70 cavaliers) et de quelque 30 000 alliés indigènes.
Les forces mancocapistes défendirent la forteresse contre plusieurs attaques espagnoles. Elles utilisèrent des tactiques de guérilla pour tendre des embuscades aux Espagnols et les attirer dans des pièges. Il y eut de lourdes pertes de chaque côté et notamment chez les Espagnols, ce qui était nouveau. Incapables d'avancer; ceux-ci se retirèrent de nuit vers la ville de Cuzco.
Mais cette victoire de Manco Cápac II fut de courte durée. Ayant reçu de nouveaux renforts à Cusco, les Espagnols revinrent à l'attaque. En dépit de nouvelles lourdes pertes (près de 500 soldats), ils finirent par à prendre la forteresse après plusieurs jours de féroces combats. Manco Cápac II fut contraint d'abandonner Ollantaytambo et de se réfugier dans les forêts denses de la région de Vilcabamba ... où allait survivre un État Inca indépendant jusqu'en 1572 (cf. ci-dessous).
L'État Inca ou Royaume Inca de Vilcabamba fut le dernier refuge de l'Empire Inca, établi dans la jungle montagneuse du Pérou. Il fut fondé en 1537, avec Vilcabamba comme capitale, par Manco Cápac II qui s'y était installé avec sa suite et sa famille, dont notamment ses trois fils: Titu Kusi Yupanqui (né en 1526), Sayri Tupac (né en 1535) et Túpac Amaru (né en 1545). Une nouvelle cour y fut établie, avec tous ses rites.
- Conflit entre Diego de Almagro et Pizarro et assassinat des deux (respectivement en 1537 et 1541)
Comme on l'a vu plus haut, Diego de Almagro (1475-1537) fut le compagnon d'armes de Pizarro depuis 1524. Il conquit l'actuel Equateur en 1524, le Chili en 1536 mais surtout sauva Cusco lors du siège de 1536. A son retour du Chili en 1537, il occupa la ville de Cusco en en revendiquant la propriété. Il alla jusqu'à emprisonner les frères Gonzalo et Hernando Pizarro. Il s'ensuivit un début de guerre civile entre les partisans de Pizarro (les "pizarristes") et ceux de Diego de Almagro (les "almagristes"). Le Roi Charles Quint ayant tranché en faveur de Diego de Almagro, Pizarro décida de faire assassiner celui-ci. Almagro fut effectivement exécuté le 8 juillet 1537 par strangulation et son cadavre fut décapité sur la "Plaza de Armas" de Cusco.
Les almagristes, rassemblés autour de son fils Diego de Almagro el Mozo (1522-1542), décidèrent aussitôt de le venger. C'est ainsi que, le matin du dimanche 26 juin 1541, Pizarro (1478-1541) fut sauvagement assassiné. Les pizarristes entamèrent alors une véritable chasse à l'homme pour retrouver les assassins.
Ces derniers, ainsi que plusieurs autres almagristes, allèrent trouver refuge auprès de Manco Cápac II. Celui-ci en effet, à cause de son ancienne inimitié envers les Pizarro, s'était aussitôt rangé du côté de Diego de Almagro (père) et c'est avec grand plaisir qu'il accueillit les fugitifs en question.
Quant à Diego de Almagro el Mozo, qui n'avait pu rejoindre lui-aussi Manco Cápac II (une escale à Cuzco l'ayant trahi), il fut arrêté par la suite et décapité, le 27 novembre 1542, au même endroit où son père l'avait été. Son cadavre fut ensuite exposé à la honte publique. - Assassinat de Manco Cápac II (1545)
Bien que retiré au cœur de la jungle, Manco Cápac II allait être victime, comme son demi-frère Atahualpa, de la traîtrise espagnole. Alonso de Toro, Gouverneur de Cuzco et chef des pizarristes de la région, prit l'initiative d'entamer des pourparlers avec les réfugiés almagristes de Vilcabamba. Il leur offrit le pardon s'ils tuaient Manco Cápac II.
Ils acceptèrent et, dans les premiers mois de 1545, assassinèrent Manco Cápac II chez lui, devant son propre fils (celui-ci, devenu plus tard chroniqueur, racontera la scène).
Malheureusement pour eux, au moment où ils sortirent de l'habitation de Manco Cápac II, en célébrant la mort de leur protecteur et ami, ils furent capturés par le capitaine Rimachi Yupanqui et ses hommes.
Après un interrogatoire en règle, avec les moyens que l'on devine, sept d'entre eux furent identifiés comme étant les véritables meurtriers. Les sept furent brûlés vifs et décapités. Leurs têtes furent ensuite exposées sur les places de Vilcabamba. - Règne de Sayri Tupac (1545-1561) Désigné par Manco Cápac II comme héritier du trône, Sayri Tupac régna donc dès l'âge de cinq ans, et cela pendant dix ans, sous la tutelle de régents. Cette période fut marquée par une paix relative avec les Espagnols. Le Vice-Roi Pedro de la Gasca proposa à Sayri Tupac de lui donner des terres et des maisons à Cuzco, s'il quittait Vilcabamba. Bien que Sayri Tupac ait initialement accepté, la mort soudaine de son oncle, Paullu Inca, pendant les préparatifs, fut considérée comme un mauvais présage ou un signe de trahison espagnole. Sayri Tupac décida donc de rester à Vilcabamba, où il mourut subitement en 1561 (probablement d'empoisonnement).
- Règne de Titu Kusi Yupanqui (1561-1571) A la mort de son frère Sayri Tupac, Titu Kusi Yupanqui prit la tête de Vilcabamba et de la Résistance Inca. Très vite, il reconnut les comités politiques et religieux de Cuzco afin d'arriver à un accord avec le Vice-Roi Pedro de la Gasca. En 1568, il accepta même d'être baptisé Chrétien. Malheureusement, Il mourut lui-aussi d'une étrange maladie (ou peut-être empoisonné) en 1571.
- Règne de Túpac Amaru (1571-1572) et chute finale de l'Empire Inca (1572)
Túpac Amaru devint donc le dirigeant suprême, après la mort subite de son frère Titu Kusi Yupanqui. Malgré son jeune âge et son manque d'expérience, il fut un ennemi redoutable pour les conquistadors, avec un esprit rebelle contrastant avec la faiblesse de son frère.
Les Espagnols décidèrent d'en finir avec lui et envoyèrent une troupe de près de 300 soldats pour le capturer. Lorsque ceux-ci arrivèrent sur place, Túpac Amaru s'était déjà enfui dans la jungle avec sa famille et ses partisans, où il continua à mener une guérilla féroce contre les Espagnols. Finalement, ceux-ci réussirent à le capturer et le ramenèrent à Cusco. Il fut condamné à mort et l'exécution fixée au 24 septembre 1572.
Ce jour-là, sur la place centrale de Cusco, un échafaudage drapé de noir avait été érigé. Des milliers d'Indiens présents, réalisant que leur "Sapa Inca" allait mourir, assourdirent le ciel de leurs cris et gémissements. C'est alors que Túpac Amaru, la corde au coup, leva la main pour faire taire la foule et ses derniers mots furent: "Ccollanan Pacha Kamaq ricuy auccacunac yawarniy hichascancuta" ! (" Pacha Kamaq, vois comment mes ennemis ont versé mon sang" !) (10).
Le dernier Empereur Inca venait de disparaitre et, avec lui, |
Que quelques centaines d'hommes soient parvenus à asservir un empire de plusieurs millions d'habitants, semble tout simplement incroyable. Dans ce qui précède, un certain nombre d'explications ont été avancées sur le sujet (épidémie, guerre civile interne, etc.). En fait, voici la liste (pratiquement exhaustive) des raisons permettant de comprendre la rapidité et l’ampleur de l'effondrement du puissant Empire Inca:
- L'utilisation par les Espagnols d'armes en acier létales (arquebuses, lances, épées, etc.), ce qui rendit les armures des soldats incas totalement inefficaces contre eux.
- Le port d'armures en acier par les Espagnols, qui rendit les gourdins et les frondes des Incas inefficaces contre eux.
- L'utilisation de la cavalerie par les Espagnols, cette tactique que les armées amérindiennes ne réussirent jamais à contrer efficacement (les Incas n'avaient jamais vu de chevaux auparavant).
- Des épidémies de maladies extrêmement contagieuses (variole, rougeole), originaires d'Europe, qui décimèrent des peuples entiers à travers toute l'Amérique (avec des taux de mortalité pouvant atteindre 95 %).
- Une guerre civile au sein de l'empire, suite à la mort brutale de l'empereur Huayna Cápac (en 1527, probablement de la variole ou de la rougeole), qui n'avait pas pu désigner lequel de ses fils prendrait sa succession.
- L'ignorance des Incas, qui croyaient que les Espagnols n'oseraient pas attaquer sans avoir l'avantage du nombre (bien que l'Empire Aztèque ait été vaincu, dix ans auparavant, par un nombre similaire de conquistadors). Cette méconnaissance est attribuable au manque de circulation d'informations à l'intérieur du Nouveau-Monde (pas de réseaux sociaux à l'époque).
- La brillante centralisation et les capacités logistiques de l'État Inca étaient ironiquement aussi sa plus grande faiblesse, à partir du moment où elles se trouvaient sans un leader central résolu. Cela explique la "débandade" qui fit suite à la capture (et plus tard à l'exécution) par les Espagnols de l’Empereur Inca semi-divin Atahualpa. Cet acte occulta le chef spirituel, culturel et gouvernemental qui servait de force unificatrice à tout l'Empire. Avec la mort de l’Empereur et la propagation des troubles civils, le cadre de la résistance organisée à l’invasion espagnole se désintégra tout simplement. Les seigneurs locaux, les généraux et les gouverneurs commencèrent à poursuivre leurs propres programmes.
- La pratique de la guerre par les Incas était hautement codifiée par des rituels. Des stratégies telles que la ruse, l'embuscade et la dissimulation leur étaient étrangères, de même que l'adaptation tactique en pleine bataille ou la saisie des moments de vulnérabilité de l'adversaire. De plus, les soldats incas étaient fortement tributaires de leurs chefs. Si ces derniers venaient à tomber au combat, toute une armée pouvait basculer dans une déroute précipitée..
- Les armées incas étaient en grande partie composées de fermiers, lesquels ne pouvaient pas abandonner trop longtemps leur récolte sans affamer leurs communautés.
- Pertes humaines et asservissement: Les Incas ont été décimés par les conflits militaires, les maladies apportées par les Européens et la déstabilisation sociale. On estime que 80% à 90% de la population inca a péri en quelques décennies. Les survivants ont été asservis et forcés de travailler dans des conditions terribles: mines, plantations, etc.
- Destruction du patrimoine et perte de connaissances:
De nombreux sites incas, temples, monuments et sites sacrés ont été pillés, rasés ou profanés. Des savoirs ancestraux, des traditions, des techniques artisanales et des expressions artistiques ont été perdus à jamais. La destruction de la culture inca a appauvri la diversité culturelle de l'Amérique du Sud. - Assimilation forcée et marginalisation: Les Incas ont été contraints d'abandonner leurs dialectes, leurs coutumes et leurs croyances pour adopter le mode de vie espagnol. Cette assimilation forcée a conduit à la marginalisation et à l'appauvrissement des populations indigènes des Andes, une situation qui perdure encore aujourd'hui.
- Résistance et revendications:
Malgré la tragédie de la conquête, la mémoire de l'Empire Inca et la volonté de préserver leur identité perdurent au sein des peuples andins. Ceux-ci continuent de lutter pour leurs droits, la reconnaissance de leur culture et la protection de leurs terres ancestrales.
La colonisation espagnole a bouleversé les sociétés d'Amérique du Sud et a laissé un héritage complexe qui continue d'influencer la région aujourd'hui.
- Colonisation et domination espagnole:
L'effondrement de l'Empire Inca a permis aux conquistadors espagnols de coloniser toute l'Amérique du Sud (à l'exception du Brésil) et d'établir leur domination sur cet immense territoire pendant plus de trois siècles. Cette domination s'est traduite par l'imposition de la langue espagnole, de la religion catholique et de la culture européenne aux populations indigènes. Les structures sociales et culturelles préexistantes ont été bouleversées, souvent de manière brutale et violente. - Exploitation et injustices:
Les systèmes économiques et politiques, mis en place par les colons, étaient basés sur l'exploitation des ressources naturelles et du travail forcé des populations autochtones. Les peuples indigènes ont été victimes de discriminations, d'inégalités et de violences. Ils étaient souvent réduits en esclavage et contraints de travailler dans des conditions terribles (mines, plantations, etc.). - Impact dévastateur sur les populations indigènes:
Les populations indigènes d'Amérique du Sud ont subi un déclin démographique dramatique à la suite de la colonisation. Les maladies apportées par les Européens, les massacres et les conditions de vie difficiles ont décimé des populations entières. - Luttes pour l'indépendance et héritage colonial:
Au XIXème siècle, des mouvements d'indépendance ont émergé dans toute l'Amérique du Sud, aboutissant à la fin du régime colonial dans la plupart des pays. Cependant, l'héritage de la colonisation espagnole continue de peser sur les sociétés de la région. Les inégalités et les tensions raciales persistent, en particulier dans les zones rurales et parmi les populations indigènes. - Conséquences profondes et durables:
La chute de l'Empire Inca et la colonisation espagnole ont eu des conséquences profondes et durables sur l'histoire et la société de l'Amérique du Sud. Elles ont marqué un changement radical dans les structures politiques, sociales et économiques de la région, et ont laissé un héritage complexe qui continue d'influencer les sociétés contemporaines.
Bien que disparu en tant qu'entité politique, l'Empire Inca a laissé un héritage culturel et historique profondément enraciné dans l'Amérique du Sud. Cet héritage se manifeste dans de nombreux aspects de la vie quotidienne des peuples de la région et constitue une part importante de leur identité.
- Présence tangible de l'Empire Inca:
Les ruines majestueuses des cités incas, comme Machu Picchu (l'une des Sept Nouvelles Merveilles du Monde), attirent des touristes du monde entier et témoignent de la grandeur passée de cet Empire. La langue quechua, parlée par des millions de personnes dans la région, perpétue l'héritage linguistique des Incas. La cuisine inca, avec ses ingrédients et ses techniques culinaires uniques, a durablement influencé la gastronomie de l'Amérique du Sud (contribuant à faire de la Cuisine Péruvienne, la troisième meilleure du monde). - Présence immatérielle dans les cultures et traditions:
De nombreux peuples indigènes d'Amérique du Sud conservent des traditions et des cultures qui ont été influencées par l'Empire Inca. L'architecture, l'agriculture en terrasses, la religion et les artisanats incas continuent d'influencer la vie quotidienne des populations autochtones. Des mouvements contemporains s'efforcent de préserver et de promouvoir ces cultures et traditions, contribuant ainsi à la transmission de cet héritage précieux aux générations futures. - Célébration et commémoration de l'histoire inca:
L'histoire de l'Empire Inca est célébrée et commémorée à travers des festivals, des événements culturels et des sites archéologiques (notamment le somptueux Inti Raymi, Fête du Dieu Soleil). Ces manifestations permettent de maintenir la mémoire collective de l'empire et de partager cet héritage avec le monde entier.
La conquête de l'Empire Inca par les Espagnols restera comme l'une des plus grandes tragédies de l'Histoire. En effet, avec elle, c'est une civilisation qui se substitua à une autre, dans une démarche basée sur la barbarie et la terreur. Décimée (à environ 50%) par la guerre et les maladies, la population inca se vit imposer un nouveau mode de vie (l'esclavage souvent), une nouvelle culture, une nouvelle langue et une nouvelle religion.
Sources | |
La chute de l'Empire Inca (Historia Numéro Spécial - juillet 2020) | N/A |
16 novembre 1532 : le jour où s'effondra l'Empire Inca | |
La conquête des Incas | |
Conquête espagnole de l'Empire Inca | |
Inti Raymi: le Folklore Péruvien dans toute sa splendeur | |
Pizarro & the Fall of the Inca Empire (World History Encyclopedia) | |
Sucedió en el Perú (TV Perú) - La Conquista del Tahuantinsuyu |
(3) : Tout cela sera fondu pour en faire des lingots d'or et d'argent. Le montant de ce butin sera réparti sous forme de parts, chacune de 20,20 kilos d'or et 42 kilos d'argent. La distribution de ces parts se fera de façon inégale: les quatre frères Pizarro en recevront près de 25, tandis que les cavaliers et fantassins recevront chacun entre 0,5 à 2 parts (en fonction de leur grade). De quoi aviver les tensions entre les acteurs de la conquête ...
(11) : Suivront plusieurs vagues d'immigration en provenance notamment d'Europe, d'Asie (Chine, Japon) et d'Afrique (esclaves amenés de force là-bas). Ce qui allait se traduire par une fusion de cultures et de sociétés, donnant naissance à la civilisation métisse qui caractérise aujourd’hui une grande partie de l’Amérique du Sud.