Dans la première partie de cet article, publiée sur ce même Blog à la date du 14/09//2025 (cf. lien plus bas), l'accent a été mis sur les gigantesques ressources informatiques requises pour mettre en place une Plateforme IA d'envergure: puissance de calcul massive, volumes de stockage énormes et réseaux de communication extrêmement performants.
- Les unités GW (Gigawatt) et GWh (Gigawatt-heure) sont utilisées dans des contextes différents liés à l'énergie et à la puissance.
- GW (Gigawatt) est une unité de puissance, qui mesure la quantité d'énergie produite ou consommée à un instant donné. Ainsi, une centrale électrique d'une capacité de 2 GW peut fournir 2 Gigawatts en continu.
- GWh (Gigawattheure) est une unité d'énergie, qui mesure la quantité totale d'énergie consommée ou produite sur une période de temps. Ainsi, une centrale de 2 GW, fonctionnant à pleine puissance pendant 3 heures, produirait 2 GW × 3 h = 6 GWh d'énergie.
- Pour faire simple, nous dirons que:
GW = puissance instantanée (comme la vitesse d'une voiture en km/h).
GWh = quantité d'énergie sur une durée (comme la distance parcourue en km, par cette même voiture).
Par ailleurs, pour bien mettre en perspective les différentes valeurs de consommation électrique qui seront citées dans la suite de cet article, il est bon d'avoir en mémoire ce qui suit:
- Un ordinateur portable consomme environ 50-100 Wh.
- Un four électrique peut consommer 2-3 KWh.
- Un Data Center consomme généralement plusieurs MWh.
- Le barrage d'Itaipu (Iguaçu) au Brésil/Paraguay produit environ 12 GW.
- Une centrale nucléaire produit plusieurs GW.
- L'EPR (European Pressurized Reactor) de Flamanville (France) a une puissance nette de 1650 MW, de quoi alimenter en électricité environ 1,5 million de foyers français.
- En 2023, la consommation électrique pour la ville de New-York (8,3 millions d'habitants) a été d'environ 50 à 60 TWh.
- En 2023, la consommation électrique pour l'ensemble des États-Unis a été d'environ 4 178 TWh (12 600 KWh par habitant), au deuxième rang mondial derrière la Chine.
- En 2023, la consommation électrique pour la seule ville de Paris (2,1 millions d'habitants) a été d'environ 20 à 25 TWh.
- En 2021, la consommation électrique pour l'ensemble de la France a été d'environ 473 TWh (6 800 KWh par habitant).
- En 2023, les 264 Data Centers présents sur le sol français ont consommé environ 8,5 TWh, soit 2 % de sa consommation totale.
- En 2023, l'ensemble des Data Centers du monde entier ont consommé entre 2 et 3% de l'électricité mondiale, soit environ 350 TWh, selon l'AIE (Agence Internationale de l'Energie).
- A horizon 2028, la consommation en Irlande des Data Centers pourrait représenter 30 % de la consommation électrique du pays.
L'’électricité est indispensable au fonctionnement des Data Centers, dont la consommation d’énergie repose principalement sur trois facteurs : l’activité permanente des serveurs, le refroidissement des infrastructures et les systèmes de sécurité.
- Serveurs en activité continue : Cœur des Data Centers, les serveurs fonctionnent sans interruption 24*7 (24h/24, 7j/7) pour garantir un accès ininterrompu aux données. Cette permanence engendre une dépense énergétique constante.
- Refroidissement des équipements : Pour éviter la surchauffe et maintenir des performances optimales, les Data Centers doivent être efficacement climatisés. Ces systèmes de refroidissement représentent l’un des principaux postes de consommation d’énergie.
- Sécurité des infrastructures : La protection des Data Centers repose sur des équipements tels que caméras de surveillance, contrôles d’accès et pare-feu, qui nécessitent également une alimentation électrique continue.
L’entraînement et l’exécution des Modèles d’IA nécessitent des infrastructures puissantes, notamment des Centres de Données équipés de processeurs spécialisés comme les GPU (Unités de Traitement Graphique) ou les TPU (Unités de Traitement Tensoriel). Ces équipements consomment beaucoup d’électricité pour effectuer des calculs intensifs, en particulier lors de l’entraînement des Modèles, qui peut durer des semaines voire des mois.
- Entraînement des Modèles : L’entraînement d’un Modèle d’IA, comme GPT-3 ou Llama, nécessite des milliards d’opérations mathématiques, ce qui consomme énormément d’énergie. Pour donner une idée, l’entraînement de GPT-3 avec ses 175 milliards de paramètres (2) aurait consommé environ 1 287 MWh (mégawattheures) selon des estimations basées sur des études de 2020.
- Inférence : Une fois entraînés, ces Modèles consomment également de l’énergie pour l’inférence, c’est-à-dire lorsqu’ils répondent à des requêtes utilisateur. Bien que moins énergivore que l’entraînement, l’inférence peut devenir significative à grande échelle, notamment pour des services comme ChatGPT, qui traitent des millions de requêtes quotidiennes. Une estimation de 2023 suggère que chaque requête à un Modèle comme ChatGPT consomme environ 0,002 KWh (soit 2 Wh). Avec des milliards de requêtes par mois, cela s’accumule rapidement.
Exemples concrets de consommation électrique
- Entraînement d’un Modèle : Selon une étude de l’Université du Massachusetts (2019), l’entraînement d’un Modèle de Traitement du Langage Naturel (NLP) comme BERT peut consommer environ 626 000 KWh pour un cycle complet, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 60 foyers américains moyens (environ 10 700 KWh par foyer et par an).
Autres exemples significatifs (3):
- L'entrainement de T5 (Text-To-Text Transfer Transformer) a nécessité environ 86 MWh (Mégawattheures), équivalant à la consommation énergétique de plusieurs foyers pendant une année entière.
- L'entrainement de LLaMA (Large Language Model Meta AI), un modèle avec plus de 65 milliards de paramètres (2) a nécessité environ 1 000 MWh (1 GWh), soit la consommation énergétique d'environ 100 foyers américains pendant un an.
- L'entrainement de PaLM (Pathways Language Model), un modèle massif avec 540 milliards de paramètres, a nécessité environ 3,4 GWh (Gigawattheures) pour son entraînement. Cela équivaut à la consommation énergétique de plus de 300 foyers américains pendant un an.
- Inférence à grande échelle : Une analyse de 2023 estime que chaque requête à un modèle comme ChatGPT consomme environ 0,002 à 0,01 KWh. Pour le même ChatGPT, qui peut traiter 10 millions de requêtes par jour, cela représente une consommation quotidienne de 20 à 100 MWh.
- Data Centers : Un Centre de Données moyen consomme environ 100 MW (mégawatts), ce qui équivaut à la consommation d'une petite ville. En 2020, la totalité des Centres de Données mondiaux, incluant ceux utilisés pour l’IA, ont consommé environ 200 TWh (soit 1 % de la consommation mondiale d’électricité). Avec la croissance de l’IA, ce chiffre pourrait atteindre 500 TWh d’ici 2030, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Quelques chiffres de référence
- Une personne consomme en moyenne 150 litres d'eau par jour pour ses besoins domestiques.
- Une piscine olympique contient 2,5 millions de litres d'eau.
- En 2023, la consommation en eau pour la ville de New-York (8,3 millions d'habitants) a été d'environ 1,5 milliard de m³ (1 500 millions de m³).
- En 2022, la consommation électrique pour l'ensemble des Etats-Unis a été d'environ 444,29 milliards de m³ (1 340 m³ par habitant).
- En 2023, la consommation en eau pour la seule ville de Paris (2,1 millions d'habitants) a été d'environ 200 à 250 millions de m³ (100 à 120 m³ par habitant).
- En 2017, la consommation en eau pour l'ensemble de la France a été d'environ 33,4 milliards de m³ (500 m³ par habitant).
- En 2020, la consommation en eau pour l'ensemble du Burkina Faso a été d'environ 0,8 milliard de m³ (40 m³ par habitant).
- Un Data Center de taille moyenne peut consommer jusqu'à 1,5 million de litres d'eau chaque jour, soit la consommation journalière de plus de 13 000 ménages.
Contexte et besoins en eau
L'utilisation de l'eau est essentielle pour le refroidissement des Data Centers, pour maintenir les serveurs à des températures optimales, surtout avec l'augmentation des besoins en puissance de calcul liés à l'Intelligence Artificielle. Voici un aperçu des différentes techniques, accompagnées d'exemples de serveurs ou de Data Centers utilisant ces méthodes :
- Refroidissement par évaporation :
- Description : Cette technique utilise l'évaporation de l'eau pour absorber la chaleur de l'air. L'eau est pulvérisée dans l'air chaud, ce qui provoque son évaporation et réduit ainsi la température de l'air.
- Avantages :
- Économe en énergie car elle utilise moins d'électricité que les systèmes de climatisation traditionnels.
- Efficace dans les climats chauds et secs.
- Inconvénients :
- Consommation élevée d'eau, ce qui peut poser problème dans les régions où l'eau est rare.
- Nécessite une eau de bonne qualité pour éviter l'encrassement des systèmes.
- Exemple : Google utilise de tels systèmes de refroidissement adiabatique dans plusieurs de ses Data Centers. En particulier, dans ses installations en Belgique, Google utilise l'eau de pluie pour le refroidissement par évaporation, réduisant ainsi sa dépendance à l'eau potable.
- Refroidissement par circulation :
- Description : L'eau circule dans des circuits fermés pour absorber la chaleur des serveurs et la transporter vers des tours de refroidissement ou des échangeurs de chaleur où elle est dissipée.
- Avantages :
- Économe en eau car l'eau est recyclée dans le système.
- Efficace pour refroidir des serveurs à haute densité.
- Inconvénients :
- Complexité et coût élevés d'installation et de maintenance.
- Nécessite une gestion rigoureuse pour éviter les fuites et la corrosion.
- Exemples :
- Microsoft Azure Data Centers : Microsoft utilise des systèmes de refroidissement par circulation dans plusieurs de ses Data Centers. Par exemple, dans ses installations à Dublin (Irlande), Microsoft utilise des tours de refroidissement pour dissiper la chaleur des serveurs en faisant circuler de l'eau dans des circuits fermés.
- Meta Data Centers : Meta (Facebook) utilise également des systèmes de refroidissement par circulation dans ses Data Centers. Par exemple, dans son installation à Luleå (Suède$, Meta utilise l'air extérieur froid pour refroidir l'eau qui circule dans les serveurs, réduisant ainsi la nécessité de systèmes de refroidissement mécaniques.
- Refroidissement par immersion :
- Description : Les serveurs sont immergés dans un liquide diélectrique (4) qui absorbe directement la chaleur des composants électroniques.
- Avantages :
- Très efficace pour dissiper la chaleur, réduisant considérablement la consommation d'énergie liée au refroidissement.
- Élimine le besoin de ventilateurs individuels pour chaque serveur, réduisant ainsi la consommation d'énergie.
- Permet une réutilisation de la chaleur captée pour d'autres applications.
- Inconvénients :
- Compatibilité limitée, car tous les serveurs ne sont pas conçus pour fonctionner dans un environnement immergé.
- Complexité et coût élevés de mise en place et de maintenance.
- Exemples :
- Iceotope Technologies : Iceotope est une entreprise qui se spécialise dans les solutions de refroidissement par immersion. Leurs serveurs sont conçus pour être immergés dans un liquide diélectrique, offrant une solution de refroidissement efficace pour les Data Centers à haute densité.
- Green Revolution Cooling (GRC) : GRC est une autre entreprise qui propose des solutions de refroidissement par immersion. Leurs serveurs sont utilisés dans plusieurs Data Centers à travers le monde, y compris des installations pour des entreprises de calculs à haute performance (HPC) et des fournisseurs de Services Cloud.
- Refroidissement direct à liquide (Direct Liquid Cooling, DLC) :
- Description : Cette technique consiste à faire circuler un liquide directement au contact des composants chauds des serveurs, comme les CPU et les GPU, pour absorber la chaleur.
- Avantages :
- Efficacité élevée pour le refroidissement des composants à haute puissance.
- Réduction de la consommation d'énergie par rapport aux systèmes de refroidissement à air.
- Inconvénients :
- Complexité accrue et coût élevé de mise en œuvre.
- Nécessite des serveurs spécialement conçus pour cette technologie.
- Exemples :
- IBM Supercomputers : IBM utilise le refroidissement direct à liquide dans certains de ses supercalculateurs, comme le "Summit", pour maintenir des températures optimales et améliorer l'efficacité énergétique.
- HPE Apollo Systems : Hewlett Packard Enterprise propose des serveurs avec refroidissement direct à liquide pour les Data Centers à haute densité, offrant une solution efficace pour les applications de type HPC et IA.
- Refroidissement des Data Centers :
Une étude datant de 2023 estime que l'ensemble des Data Centers aux États-Unis consomment environ 300 à 600 milliards de litres d’eau par an pour le refroidissement. Un seul d'entre eux peut consommer entre 1 et 5 millions de litres d’eau par jour, selon sa taille et son système de refroidissement.
Par exemple, un Centre de Données moyen de Google consomme environ 1,7 million de litres d’eau par jour, soit l’équivalent de la consommation quotidienne d’une ville de 15 000 foyers. - Exemple de l’IA Générative :
Une analyse de l’Université de Californie (2023) a estimé que l’entraînement d’un Modèle comme GPT-4 pourrait nécessiter indirectement 10 à 50 millions de litres d’eau, en tenant compte du refroidissement et de la production d’électricité. - Inférence :
Chaque requête à un modèle comme ChatGPT consomme environ 0,5 à 2 litres d’eau (en incluant le refroidissement et l’énergie). À 10 millions de requêtes par jour, cela représente 5 à 2 millions de litres d’eau par jour.
- Google : En 2022, Google a consommé environ 18 milliards de litres d'eau pour refroidir ses Data Centers, soit l'équivalent de 7 200 piscines olympiques.
- Microsoft :
Sa consommation d'eau a augmenté de 34% entre 2021 et 2022, atteignant près de 6,43 milliards de litres. Un seul de ses Data Centers en Arizona consommerait environ 1,2 million de litres d'eau par jour.
En 2022, ses Data Centers aux Pays-Bas ont utilisé 84 millions de litres d'eau, bien au-delà des estimations initiales de 12 à 20 millions de litres. - Selon une étude de l'Université de Californie, les Outils d'IA consomment jusqu'à 4 fois plus d'eau que prévu.
- L'entraînement d'un seul grand Modèle d'IA nécessiterait entre 500 000 et plusieurs millions de litres d'eau selon les estimations.
- Une étude prévoit que, d'ici 2027, la demande mondiale pour l’IA pourrait entraîner une consommation d’eau estimée entre 4,2 et 6,6 milliards de m³ par an (soit l’équivalent de la consommation annuelle de la moitié de la population du Royaume-Uni).
- Entraînement des Modèles d’IA :
L'entraînement d'un Modèle d'IA, en particulier des grands Modèles comme GPT ou Mistral, demande d’énormes quantités de calcul. Cela implique des semaines ou des mois de travail sur des milliers de processeurs (GPU/TPU).
Ces serveurs consomment beaucoup d’électricité, parfois jusqu’à 10 KW par heure pour un seul serveur. Si cette électricité provient de sources fossiles (charbon, gaz, etc.), elle génère du CO₂. Plus l'énergie est carbonée, plus l’empreinte est élevée.
L'entrainement du Modèle GPT-3 a généré environ 552 tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions annuelles de 123 voitures thermiques ou de 205 vols aller-retour Paris–New York. Cela représente une consommation énergétique de 1 287 MWh.
Selon Mistral AI, l’entraînement du Modèle Mistral Large 2 a produit 20 400 tonnes de CO2, un volume important, mais assorti d’une démarche de transparence visant à évaluer et communiquer son impact environnemental. - Utilisation des Modèles (Inférence) :
Même après l’entraînement, chaque requête utilisateur (exemple d'une question à un Chatbot) mobilise une infrastructure informatique qui consomme de l’électricité. Des milliards de requêtes quotidiennes multiplient cet effet : même si chaque requête émet peu de CO₂, l’accumulation devient significative.
On estime que chaque requête ChatGPT génère environ 0,382 g de CO2. En 2023, avec environ 10 millions de requêtes quotidiennes, cela a représenté 8,4 tonnes de CO₂ par an pour les requêtes seules (ingérence), et jusqu’à 240 à 502 tonnes si l’on inclut l’entraînement.
Avec LCM (Mistral Large 2), générer environ 300 mots (l’équivalent d’une page A4) avec ce Modèle émet 1,14 g de CO₂, un impact modéré par requête. - Fonctionnement des Data Centers (Refroidissement, Maintenance, Sécurité, Sauvegarde) :
Les Data Centers chauffent énormément. Il faut donc des systèmes de refroidissement (tours d’évaporation, pompes, climatisation, refroidissement liquide), très gourmands en énergie souvent issue de sources fossiles, augmentant les émissions.
Ces Data Centers fonctionnent en continu (24*7) et doivent donc être dotées de solutions de type "Backup/Recovery". Il y a enfin les aspects Maintenance et Sécurité. Tout cela contribuant à augmenter leur consommation en énergie globale.
En 2026, si la tendance se poursuit, le potentiel d’émission mondiale de tous les Data Centers pourrait atteindre les 37 milliards de tonnes de CO₂ (si les sources d’énergie restent carbonées).
En France, selon l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques, des Postes et de la distribution de la Presse) et l’ARCOM (Autorité de Régulation de la Communication Audiovisuelle et Numérique ), l’IA pourrait générer 50 millions de tonnes de CO₂ par an d’ici 2050 en l'absence de mesures de réduction d’impact.
Google a vu ses émissions de CO₂ augmenter de 48 % entre 2019 et 2023, atteignant 14,3 millions de tonnes en 2023, en grande partie à cause de l’IA et de l’expansion des Data Centers. Microsoft a également signalé une hausse de 29,1 % en 2023 par rapport à 2022, pour les mêmes raisons. - Fabrication du matériel informatique :
L'impact environnemental de l'IA ne se limite pas aux émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) et à la consommation d'eau. La fabrication du matériel informatique, notamment des puces électroniques (comme les GPU NVIDIA), nécessite en effet l'extraction de métaux rares dont l'exploitation est souvent polluante. Sans parler de la gestion des déchets électroniques eux-mêmes, qui posent à leur tour des problèmes de recyclage et de pollution. - Gestion de l’eau proprement dite :
La gestion de l’eau elle-même (pompage, traitement, distribution) nécessite également de l’énergie, ce qui augmente encore les émissions de CO₂ si cette énergie provient de sources fossiles. C'est ainsi que le traitement de 1 million de litres d’eau peut générer environ 1 à 2 tonnes de CO₂, selon les infrastructures locales.
- L’entraînement de GPT-3 aurait généré environ 552 tonnes de CO₂, soit l’équivalent des émissions de 120 voitures à essence circulant pendant un an (en supposant 4,6 tonnes de CO₂ par voiture et par an).
- Dans un Data Center alimenté par un mix énergétique mondial moyen (environ 475 g de CO₂ par KWh), un Modèle comme BERT émettrait environ 300 tonnes de CO₂ pour son entraînement.
- Les émissions liées à l’inférence peuvent s’accumuler rapidement. Si ChatGPT consomme 50 MWh par jour, cela représente environ 8 700 tonnes de CO₂ par an dans un mix énergétique moyen.
- Un centre alimenté par des énergies renouvelables (comme l’hydroélectricité au Québec) émettra beaucoup moins de CO₂ qu’un centre dépendant du charbon (comme en Chine ou en Inde).
- Une étude récente a montré que l'entraînement d'un seul Modèle de pointe en IA peut émettre jusqu'à 284 tonnes de CO₂, ce qui équivaut à l'empreinte carbone de cinq voitures sur toute leur durée de vie.
- Si l’électricité est produite à partir de charbon (facteur d’émission moyen de 800 g de CO₂ par KWh), l’entraînement d’un Modèle comme GPT-3 (consommant environ 1 287 MWh selon certaines estimations) peut générer 1 030 tonnes de CO₂.
Cela peut augmenter la pression sur les ressources hydriques vulnérables, notamment pendant les périodes de sécheresse ou dans les régions où l'eau est rare. On peut alors observer des perturbations des systèmes hydriques locaux, menaçant les communautés humaines et les écosystèmes. C'est ainsi que:
- En 2021, Google a été critiqué pour son utilisation massive d’eau dans ses centres de données au Chili, une région déjà touchée par la sécheresse.
- De son côté, xAI n'a pas échappé à une polémique entourant les gigantesques capacités de son système "Colossus" dont la puissance maximale de 150 MW nécessite un système de refroidissement consommant 4,9 millions de litres d'eau par jour, puisée dans les ressources de Memphis où le supercalculateur est installé.
IV. Pour une IA plus sobre et responsable
Comme on vient de le voir, le développement accéléré de l’IA provoque une double pression sur l’environnement : une forte empreinte carbone et une aggravation du "Stress Hydrique", surtout en lien avec la perspective de Data Centers de plus en plus gigantesques.
A cet égard, deux annonces majeures ont marqué les esprits en 2025:
- En janvier 2025, le Président Trump a annoncé le "Projet Stargate" (500 milliards de dollars), mentionné dans plusieurs analyses internationales comme un modèle emblématique de Data Center géant visant à soutenir la domination américaine sur l’IA, par la concentration de capacités de calcul sans précédent.
Mais ce projet suscite aussi des inquiétudes majeures : besoins énergétiques gigantesques, recours à d’importants volumes d’eau pour le refroidissement et risques environnementaux accrus. - En février 2025, lors du Sommet Mondial pour l’Action sur l’Intelligence Artificielle tenu à Paris, le Président Macron a souligné la nécessité de gouverner l’IA de façon soutenable et inclusive, tout en annonçant des investissements massifs (plus de 100 milliards d’euros privés et une initiative "InvestAI" de 200 milliards d’euros) pour développer une IA durable, notamment en France.
Solutions technologiques et innovations
Plusieurs solutions technologiques et innovations sont déjà envisagées ou en développement pour limiter ces impacts. Voici les principales :
- Refroidissement par immersion (Liquid Cooling) :
Plus efficace que l’air conditionné traditionnel, il permet de réduire la consommation électrique dédiée à la gestion thermique des puces, diminuer le bruit, et recycler plus facilement une partie de la chaleur produite. - Principe : Les serveurs sont plongés dans un liquide diélectrique (4) non conducteur qui absorbe la chaleur, réduisant la consommation d’eau et d’énergie par rapport aux systèmes de refroidissement à air ou à eau traditionnels.
- Exemple : Des entreprises comme Microsoft expérimentent le refroidissement par immersion dans leurs data centers, réduisant la consommation énergétique de refroidissement jusqu’à 50 %. Cela permet également de récupérer la chaleur pour d’autres usages (chauffage urbain, par exemple)
- Puces spécialisées (GPU, TPU, ASIC) moins énergivores (IA frugale) :
La conception de processeurs optimisés pour l’IA (moins énergivores que les GPU classiques) fait partie des axes stratégiques, tout comme l’optimisation logicielle pour des algorithmes demandant moins de calculs superflus. - Principe : Les GPU traditionnels (comme ceux de NVIDIA) sont très énergivores. De nouvelles puces spécifiques à l’IA, telles que les NVIDIA H800, offrent des performances élevées avec une consommation énergétique réduite (jusqu’à 60 % d’économie d’énergie par rapport aux anciennes générations).
Il en va de même des puces comme les TPU V4 de Google basées, elles, sur la technologie ASIC (pour Application-Specific Integrated Circuit, ou Circuit Intégré Spécifique à une Application) qui s'appuie sur des circuits électroniques conçus sur mesure pour exécuter une tâche bien précise, à l’inverse des processeurs généralistes comme les CPU ou GPU. - Exemple : La startup chinoise DeepSeek a développé le modèle R1, comparable à GPT-4, en utilisant seulement 2 000 puces NVIDIA H800 au lieu des 16 000 nécessaires pour des modèles similaires, réduisant ainsi considérablement l’empreinte énergétique.
- Optimisation des algorithmes et Modèles d’IA frugaux :
- Principe : Développer des Modèles d’IA plus petits et spécialisés (plutôt que des modèles généralistes massifs) réduit les besoins en calcul et en énergie.
- Exemple : Le modèle BLOOM de Hugging Face, entraîné avec des puces plus efficaces, a émis 25 tonnes de CO₂, soit 20 fois moins que GPT-3. De plus, l’IA frugale promue par l’AFNOR en France encourage l’écoconception des Modèles pour minimiser leur impact environnemental dès la phase de développement.
- Énergies renouvelables et réutilisation de la chaleur :
- Principe : Alimenter les Data Centers avec des sources d’énergie renouvelables (solaire, éolien, hydroélectricité) et réutiliser la chaleur générée par les serveurs pour d’autres applications.
- Exemples : Google utilise son IA "DeepMind" pour optimiser le refroidissement de ses Data Centers, réduisant la consommation énergétique dédiée de 40 % sur 10 ans. Microsoft a conclu un accord avec Constellation Energy pour rouvrir la centrale nucléaire de Three Mile Island (rebaptisée Crane Clean Energy Center) afin d’alimenter ses Data Centers en énergie décarbonée, avec un investissement de 1,6 milliard de dollars soutenu par des subventions américaines.
- Réutilisation et circuit fermé de l’eau :
- Principe : Déploiement de systèmes permettant de recycler l’eau utilisée pour le refroidissement afin d’éviter son gaspillage et limiter la pression sur les nappes phréatiques locales. La réutilisation de l'eau dans les systèmes de refroidissement, via des boucles fermées ou le traitement des eaux usées, peut réduire la dépendance aux ressources hydriques locales. La récupération de l'eau de pluie ou le dessalement de l'eau de mer sont également des options viables dans certaines régions.
- Exemple précis : Le Data Center Green Mountain à Rennesøy (Norvège) utilise un système de refroidissement basé sur l'eau de mer, fonctionnant en circuit fermé pour minimiser les prélèvements. De plus, la chaleur excédentaire est récupérée pour chauffer une ferme aquacole locale, réduisant ainsi l'impact environnemental.
- Dessalement de l’eau de mer :
Solution envisagée pour les sites côtiers afin de pallier la raréfaction de l’eau douce, bien que la dépense énergétique reste élevée. - Principe : Recycler l’eau utilisée pour le refroidissement des Data Centers ou utiliser l’eau de mer dessalée peut réduire la pression sur les ressources en eau douce.
- Exemple : En Finlande, certains Data Centers récupèrent la chaleur des serveurs pour chauffer des bâtiments, réduisant ainsi les besoins en eau et en énergie. Par ailleurs, des projets pilotes dans les régions côtières explorent le dessalement de l’eau de mer pour le refroidissement, bien que cette solution reste coûteuse et énergivore.
- Appel au nucléaire (SMR) :
Dans un article publié sur enviro2b.com le 26 juillet 2025, Sam Altman (OpenAI) apporte son soutien à une startup qui développe une technologie de refroidissement basée sur l’énergie nucléaire pour alimenter et refroidir les Data Centers de manière décarbonée. Cette solution, encore expérimentale, vise à utiliser des SMR (Réacteurs Modulaires de Petite taille) pour fournir une énergie stable et à faible empreinte carbone, tout en minimisant les besoins en eau pour le refroidissement.
Si cette technologie s'avère viable, elle pourrait révolutionner l’alimentation des Data Centers en éliminant la dépendance aux combustibles fossiles et en réduisant la consommation d’eau par rapport aux tours de refroidissement traditionnelles.
Stratégies et politiques publiques
Mise en place progressive d'une règlementation et de structures internationales pour améliorer la responsabilité des acteurs de l'IA et favorablement influencer la confiance du public dans l’IA :
- Réglementations et transparence :
- Principe : Imposer aux entreprises de l’IA de publier des données sur leur empreinte carbone et hydrique, et intégrer des critères environnementaux dans les réglementations.
- Exemple : En France, la loi REEN (Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique), promulguée le 15 novembre 2021, impose aux grandes communes (plus de 50 000 habitants) d’adopter une stratégie numérique responsable d’ici 2025. Elle inclut un référentiel d’écoconception des services numériques (RGESN) et un référentiel pour une IA frugale élaboré par l’AFNOR.
Au niveau européen, le projet de Règlement sur l’IA (AI Act), en cours de finalisation en 2025, mentionne la nécessité de préserver l’environnement, mais manque encore de contraintes fermes (6). - Coalitions internationales :
- Principe : Encourager la collaboration mondiale pour promouvoir une IA durable.
- Exemple : Lors du Sommet pour l’Action sur l’IA à Paris de février 2025, la France, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et l’Union, Internationale des Télécommunications (UIT) ont lancé la Coalition pour une IA écologiquement durable, réunissant 91 partenaires. Cette coalition vise à fédérer entreprises, chercheurs et institutions pour réduire l’impact environnemental de l’IA, mais elle manque encore de la participation de grandes entreprises comme OpenAI.
- Sensibilisation et éducation :
- Principe : Former les utilisateurs et les professionnels aux impacts environnementaux de l’IA pour encourager des usages responsables.
- Exemple : Le CESE (Conseil Économique, Social et Environnemental) propose des campagnes de sensibilisation pour informer les utilisateurs sur l’empreinte environnementale de l’IA, comme éviter d’utiliser des IA génératives pour des tâches simples (recherches basiques par exemple). De plus, des recommandations incitent à optimiser les prompts pour réduire les échanges inutiles, allégeant ainsi la charge des Data Centers.
- Investissements dans la recherche pour une IA durable :
- Principe : Financer des projets de recherche pour développer des technologies et algorithmes moins énergivores.
- Exemple : Le Plan France 2030 inclut un appel à projets pour le numérique éco-responsable, soutenant des innovations matérielles et logicielles pour réduire l’impact de l’IA. Par ailleurs, l’Open Catalyst Project utilise l’IA pour identifier des électro-catalyseurs à faible coût pour le stockage d’énergie renouvelable, démontrant le potentiel de l’IA pour des applications environnementales.
- Incitations légales à la sobriété numérique :
- Principe : Quota d’émissions par Data Center, taxation progressive de la consommation d’eau ou d’énergie non renouvelable, obligation d’audit environnemental pour l’ouverture de nouveaux sites.
- Exemples : La loi française REEN impose aux opérateurs de Data Centers une gestion écoresponsable : limitation de la consommation d’énergie, valorisation de la chaleur résiduelle issue des serveurs, transparence sur la consommation d’eau et d’énergie, et objectifs de réduction d’empreinte carbone.
Dans plusieurs pays européens, des propositions ou exigences croissantes requièrent que les acteurs du numérique publient leur empreinte environnementale et justifient l’intégration de pratiques éco-efficientes.
En Suède et aux Pays-Bas, la taxation de l’énergie non renouvelable pour les Data Centers vise à inciter à l’efficacité énergétique et au recours élargi aux énergies vertes. - Moratoires locaux :
- Principe : Moratoires sur la construction de Data Centers dans des zones sous tension hydrique ou électrique (déjà observé aux Pays-Bas, à Dublin, à Singapour), accompagnés de plans d’innovation "Green AI".
- Exemples : En 2025, la France a fait l’objet d’intenses débats parlementaires autour d’un projet de moratoire national, demandant une suspension de deux ans sur la construction des plus grands Data Centers (ceux dépassant 2 000 m² ou 2 MW), afin de permettre une régulation démocratique et environnementale plus stricte. Cette demande, poussée par des collectifs citoyens et certaines ONG, s’oppose à la politique gouvernementale de "simplification" qui vise justement à accélérer la construction en allégeant les contraintes d’urbanisme et les consultations du public.
A Dublin (Irlande), un moratoire local a été instauré depuis 2022 sur tout nouveau Data Center en raison de la pression exercée sur le réseau électrique.
Les Pays-Bas ont également mis en place un gel temporaire sur les nouvelles constructions de grands Data Centers, motivé par des préoccupations énergétiques et hydriques. - Promotion de l’économie circulaire :
- Principe : Valorisation de la chaleur fatale (réutilisation de la chaleur dissipée pour chauffer des bâtiments voisins), recyclage des composants électroniques, développement d’écosystèmes de proximité pour réduire le transport des données.
- Exemples : Plusieurs Data Centers européens (notamment à Paris et Francfort) utilisent la récupération et la réutilisation de leur chaleur pour alimenter en chauffage urbain des quartiers voisins, réduisant ainsi le gaspillage énergétique.
Certains campus de Data Centers expérimentent la réutilisation de composants électroniques, le recyclage des équipements et le recours à des matériaux démontables pour l’aménagement des salles serveurs.
Des labels de performance environnementale (DSM, EcoDataCenter) valorisent les infrastructures qui atteignent des hauts standards de recyclage, d’économie circulaire et de faible empreinte globale.
Ces exemples montrent des réponses complémentaires : incitations réglementaires à la sobriété, moratoires pour encadrer l’expansion incontrôlée, et intégration de l’économie circulaire pour réduire les externalités négatives du numérique.
Ces leviers, combinant innovation, cadre légal, et coopération internationale, sont jugés indispensables pour éviter que l’IA et ses infrastructures n’aggravent significativement le dérèglement climatique et les crises hydriques déjà observées.
Conclusion
L’IA, bien que révolutionnaire, pose des défis environnementaux majeurs avec son empreinte carbone et son "Stress hydrique", exacerbés par des projets comme "Stargate" et le plan français pour l’IA. Des solutions comme le refroidissement par immersion, les puces moins énergivores, la réutilisation de l’eau voire même l’énergie nucléaire (comme proposé par Sam Altman) offrent des pistes prometteuses.
Cependant, ces avancées doivent être soutenues par des politiques publiques robustes, comme la loi REEN ou la Coalition pour une IA écologiquement durable, pour garantir une IA responsable. En combinant innovation technologique et sensibilisation, il est donc permis d'envisager de concilier le développement de l’IA avec les impératifs écologiques ...
Sources | |
Coût de l'Intelligence Artificielle: Besoins Requis et Défis | |
Data Centers, un immense gâchis de chaleur | |
Consommation d’énergie des Data Centers : chiffres en 2025 | |
L’IA, grande consommatrice d’eau, un défi sous-estimé ? | |
Le bilan carbone de l'IA et l'impact du numérique sur |
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(1) : Concernant les consommations en électricité, les unités de mesure les plus courantes sont les suivantes:
Watt | W | N/A | N/A |
Kilowatts | KW | 103 W | 1 000 W |
Mégawatt | MW | 106 W | 1 000 KW |
Gigawatt | GW | 109 W | 1 000 MW |
Térawatt | TW | 1012 W | 1 000 GW |
Pétawatt | PW | 1015 W | 1 000 TW |
Exawatt | EW | 1018 W | 1 000 PW |
Zettawatt | ZW | 1021 W | 1 000 EW |
Yottawatt | YW | 1024 W | 1 000 ZW |
(3) : La consommation électrique de centres informatiques aussi gigantesques peut se traduire par des factures de la même taille (fonctionnement des machines et climatisation). Google, qui possède plusieurs de tels centres, affirme avoir réduit de 20% les factures concernées, grâce à une application basée sur l'IA.
(6) : L’AI Act (ou Artificial Intelligence Act) adopté en 2024, est la réglementation européenne encadrant le développement et l’usage de l’intelligence artificielle dans l’UE. Fondé sur une approche par niveaux de risque, il interdit certaines pratiques jugées inacceptables, impose des règles strictes aux applications à haut risque (notamment en santé ou en justice) et vise à garantir sécurité, transparence et respect des droits fondamentaux tout en soutenant l’innovation. Son application progressive est prévue de débuter entre 2025 et 2026, avec des obligations précises pour les entreprises et des sanctions en cas de non‑conformité.