Quoi de plus naturel, de nos jours, que de pouvoir :
- Tenir des visioconférences (WhatsApp, Facetime, Zoom) avec des personnes situées de l'autre côté de la planète
- Transmettre mails, photos, vidéos vers n'importe quel point du monde
- Assister en direct à la retransmission d'un opéra depuis New-York ou Milan
- Suivre en direct une Finale de Coupe du Monde ou une Cérémonie des Jeux Olympiques
- Obtenir en temps réel les cours des Bourses internationales
- Accéder à tout instant à tel ou tel épisode de sa série NetFlix favorite
- Etc.
le tout avec une très haute qualité des images et du son (HD, 4K) et sans quasiment de temps de latence, délai entre l’envoi et la réception d’un signal (ou PING, pour "Packet InterNet Groper") !
Cela est effectivement rendu possible grâce à Internet, dont 99% du trafic (information transmise) repose sur l’architecture suivante:
- Un gigantesque réseau de pipelines 'numériques' sous-marins (plus de 450), à l'intérieur desquels se trouvent pas moins de 1 200 000 kms de câbles (30 fois le tour de la Terre)
- Chacun de ces câbles utilisant une technologie d’avant-garde, la Fibre Optique (FO), permettant de transmettre les informations (données, voix, son, vidéos) à pratiquement la vitesse de la lumière.
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La FO (Fibre Optique)
La FO (Fibre Optique) est constituée d’un fil de verre ou de plastique extrêmement fin, de diamètre exprimé en μm ou micromètre ou encore millième de millimètre, capable de conduire la lumière. Cela permet de transmettre très rapidement (pratiquement à la vitesse de la lumière) des données d’un point à un autre et sur de très longues distances (milliers de kilomètres) et sans perte de vitesse. Elle est utilisée dans les domaines de la Médecine (fibroscopie), de l'Industrie (éclairage, décors, amplification optique, capteurs, textiles lumineux) et des Télécommunications. Dans la suite de cet article c'est exclusivement ce dernier cas (transmission de données numériques, réseaux d'ordinateurs) qui sera pris en compte.
La FO est constituée de trois éléments:
- La partie centrale, appelée le cœur, est un fil continu en silice très pure de 10 μm (a) de diamètre. C'est à l'intérieur de ce cœur que se propagent les ondes lumineuses, en empruntant un parcours en zigzag et en respectant la Loi de la Réfraction (Snell-Descartes, 1637). Ces ondes sont générées via LED/Laser.
- Autour du cœur se trouve la gaine, d'un diamètre de 125 μm (micromètres). Son rôle n' est pas de transmettre la lumière, mais de canaliser celle-ci à l'intérieur du cœur. Comme celui-ci, elle est constituée de silice mais de moins bonne qualité (A). Elle a ainsi un indice de réfraction inférieur à celui du cœur, ce qui permet aux ondes lumineuses de rester à l'intérieur de celui-ci lors de leur propagation tout au long de de la fibre.
- Autour de la gaine se trouve la protection, couche de plastique destinée à renforcer l’ensemble cœur/gaine (absorption des chocs et protection supplémentaire contre les courbures excessives du câble). Son épaisseur varie selon les types de fibres, entre 230 et 900 μm. En effet, afin de consolider encore davantage l'ensemble cœur/gaine (protection contre les écrasements, les tensions excessives et les rongeurs), on y ajoute souvent des fibres de renfort en gel ou en fibres de Kevlar.
- Au départ, les informations numériques (suite de bits) sortant de l'ordinateur émetteur sont transformées en impulsions lumineuses, via LED ou Laser, et injectées dans le cœur. .
- Ces impulsions sont ainsi propagées le long de la FO, et cela à très très grande vitesse (plusieurs milliards d’impulsions par seconde).
- En sortie, une cellule photoélectrique (photo-diode ou photo-transistor) reconvertit les ondes lumineuses reçues en données numériques (suite de bits), pour utilisation par l'ordinateur récepteur.
- Le Bit (contraction de Binary Digit) est un élément binaire, de valeur 1 ou 0, à la base du langage binaire, le seul que l'ordinateur puisse comprendre.
- L'unité de référence utilisée pour mesurer un Débit Binaire (nombre de bits transmis ou traités par unité de temps, la seconde) est le "BPS" (bits par seconde, abrégé en bit/s ou bps).
- Les autres unités utilisées sont des multiples de cette unité de référence BPS. On parlera notamment de "Kilos", de "Mégas", de "Gigas", de "Téras" et de "Pétas":
Unité | Notation | Valeur en bit/s (bps) | |
Kilobit par sec | Kbit/s | 103 bit/s | 1 000 bit/s ou 1 000 bps |
Mégabit par sec | Mbit/s | 106 bit/s | 1 000 Kbps = 1 million de bps |
Gigabit par sec | Gbit/s | 109 bit/s | 1 000 Mbps = 1 milliard de bps |
Térabit par sec | Tbit/s | 1012 bit/s | 1 000 Gbps = 1 000 milliards de bps |
Pétabit par sec | Pbit/s | 1015 bit/s | 1 000 Tbps = 1 million de milliards de bps |
Les CSM (Câbles Sous-Marins)
Il s'agit de ces énormes tuyaux, longs de plusieurs milliers de kilomètres et déposés au fond des océans (plusieurs milliers de mètres de profondeur), reliant les continents entre eux. Comme indiqué plus haut, on dénombre un peu plus de 450 de tels câbles, représentant une longueur totale d'environ 1 200 000 kms.
A l'intérieur de ces CSM, entourés de plusieurs couches de protection, se trouvent une ou plusieurs paires de FO permettant, encore une fois, de transmettre les informations (données, voix, son, vidéos) pratiquement à la vitesse de la lumière.
Le premier CSM fut installé en 1850, entre la France et l'Angleterre. Dès 1900, plusieurs autres suivirent à travers le monde. Ces câbles, fabriqués en cuivre, permettaient (au mieux) de transmettre le contenu d'un DVD (10 Gigabits) en 14 secondes, soit 0,71 Gbit/s. En comparaison, les performances des CSM actuels (autour de la FO), sont tout simplement hallucinantes:
- Dès 2002, le CSM "Apollo" (4 paires de FO), entre Lanion (France) et les USA, permettait déjà de transférer l'équivalent de 380 DVD en une seule seconde (3,8 Tbit/s).
- En 2020, le CSM "SEA-ME-WE 5" (South East Asia – Middle East – Western Europe 5), doté de 3 paires de FO, offre une capacité de transmission de 24 Tbit/s. Ce câble a plus de 30 000 kilomètres de long et relie la France, l'Italie, la Turquie, l’Egypte, l'Arabie Saoudite, Djibouti, le Yémen, le Qatar, les Émirats arabes unis, Oman, le Pakistan, le Sri Lanka, le Bangladesh, la Birmanie, l'Indonésie, la Malaisie et Singapour. Il est en cours d'extension pour pouvoir desservir également les Pays-Bas et l'Australie.
Installer un CSM et en assurer le bon fonctionnement est une opération relativement lourde, avec un coût pouvant allègrement dépasser les 700 millions d'euros. En voici les différentes étapes:
- Etude topologique du fond marin
Il s'agit d'une étape essentielle en amont de la phase de fabrication du câble à poser. L'objectif est de cartographier les fonds sous-marins, avec la plus grande précision possible, pour définir le trajet optimal pour le câble. L'étude prend en compte le relief, ainsi que les zones volcaniques et sismiques. Dans le cas de ces dernières (Océan Indien par exemple) on mettra plus de mou, l'idée étant de toujours contourner les difficultés.
Cette étude est conduite à bord d'un navire spécialisé, dit Navire Survey, doté d'équipements de pointe pour l’étude des fonds sous-marins : sondage multifaisceaux, positionnement précis par systèmes acoustiques, carottage par piston pour analyse d’échantillons, pénétromètre statique pour détermination de la stratigraphie, etc.
Le coût de cette phase préliminaire représente environ 5% du montant total du projet.
- Fabrication du CSM
Le câble est carrément fabriqué sur mesures, avec comme composants (cf. figure ci-dessus, partie centrale): deux gaines de protection (1 et 2), une quadruple armature métallique (3, 4, 5 et 6), une gaine isolante (7) et un certain nombre de paires de FO (8). Il en résulte un poids important, environ 3 kilos par 20 cm de câble, mais c'est une condition pour que le tout puisse résister 25 ans au fond des océans (c'est l'objectif le plus souvent fixé), en dépit d'éventuels éléments agressifs (morsures de requin, chaluts, ancres de navire, mouvement sismiques, etc.).
Un CSM est toujours constitué d'un certain nombre de tronçons de 70 à 80 km chacun. Entre deux tronçons successifs est toujours fixé un amplificateur (répéteur), afin de redresser toute perte de signal.
La longueur totale du câble est très exactement celle calculée lors de l'étude topologique. Toutefois et par précaution, un tronçon supplémentaire est toujours ajouté.
- Chargement du CSM
Le câble entier (la totalité des tronçons ainsi que les répéteurs) est chargé à bord d'un Câblier, navire spécialisé dans la pose, le relevage et l’entretien de CSM. Ce navire, de dimension imposante (150 m de long pour 25 m de large), est le plus souvent équipé lui-aussi d’engins spéciaux (charrue et robots sous-marins) pour mener à bien les interventions sur les câbles. Il dispose notamment d'un système de positionnement dynamique particulièrement efficace, lui permettant de maintenir une position stable en dépit de forte houle.
Le câble est enroulé sur lui-même à l'intérieur d'immenses cuves (3 000 km de câble par cuve), et la durée de chargement est d'environ un mois.
- Pose du CSM
Le but est de relier le câble entre deux stations d'atterrissement, situées à des milliers de kilomètres l'une de l'autre. Cette opération peut résulter particulièrement longue (pose entre 80 et 120 km de câble par jour). Le jointage (raccordement) des différents tronçons et répéteurs s’effectue sur le navire. L'immersion se réalise alors, segment par segment, avec l'aide de bouées.
Le long de la partie continentale (jusqu'à 1 500 m de fond), le câble est ensouillé (enterré) pour le protéger d'éventuelles agressions (crochetage par les chalutiers, ancrage de bateaux dans des zones à faible fond). Cet ensouillage se fait à l'aide d'une charrue tractée par le navire, permettant d'enfouir le câble dans des tranchées de 50 cm de large et jusqu'à 4 m de profondeur. Au fond de la mer, le câble est simplement posé à même le sol.
Dès qu'un nouveau tronçon est posé, l'ensemble est testé grâce à des équipements télécoms spécialisés (dont certains sont sur le bateau), en injectant généralement du 10 Gbit/s.
- Surveillance et réparations
Bien qu'une surveillance soit assurée en permanence (vérification du bon fonctionnement des différents équipements), on pourra néanmoins devoir faire face à des pannes.
Certaines de ces pannes, qualifiées de légères, concerneront le plus souvent les répéteurs. Dans la majorité des cas, elles pourront être réparées à distance (B).
D'autres, malheureusement, seront beaucoup plus graves (coupure du câble par exemple) et nécessiteront une intervention in situ. Après avoir localisé l'endroit de la coupure avec une très grande précision, par réflectométrie (C), l'intervention d'un COM (Centres d'Opérations en Mer) sera demandée, avec l'appui d'autres navires spécialisés (robots et charrue dotés de caméras/pinces/cisailles, le tout télécommandé depuis bord).
En cas de panne sur le plateau continental, l'intervention d'un robot sera le plus souvent suffisante. Si cela se passe au fond de l'océan, il faudra repêcher les extrémités des deux parties sectionnées. Après avoir procédé à leur réparation, elles seront à nouveau raccordées et le câble sera rejeté à la mer.
Un dépannage de ce type est une opération assez lourde, impliquant un réel savoir-faire, avec des coûts de l'ordre de plusieurs milliers d'euros par jour. Fort heureusement, ce taux de panne est relativement faible: pour un même câble, 1 panne en 25 ans (durée de vie estimée du câble).
- "Grace Hopper" - Ce câble (Google) doit relier New York (Etats-Unis) à Bude (Royaume-Uni) et Bilbao (Espagne). Doté de 16 paires de FO, Il entrera en service en 2022 et complètera la liste des autres CSM de Google (parfois en partenariat avec les concurrents Amazon et Microsoft) "Curie" (USA/Panama/Chili), "Dunant" (USA/France) et "Equiano" (USA/Portugal/Amérique du Sud).
- "2Africa" - Ce câble (consortium de 8 sociétés dont Facebook, le Français Orange et China Mobile International) a pour objectif d'interconnecter 23 pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Europe. Il parcourra la Méditerranée, la Mer Rouge, le Golfe d'Aden, la côte africaine de l'Océan Indien jusqu'au Cap de Bonne-Espérance, pour remonter l'Océan Atlantique jusqu'en Grande-Bretagne. Il sera l'un des plus longs au monde (37 000 km) et devrait entrer en service en 2023/2024.
- "MAREA" - Ce câble (Microsoft et Facebook) reliera l'Europe aux USA et sera le plus puissant au monde (160 Tbit/s).
Quelques mots sur les Réseaux de Transmissions Satellitaires (RTS)
Il s'agit de zones peu denses (faible densité de population) ou isolées (accès relativement difficile): bases (stations de recherche permanentes) présentes sur l'Antarctique, stations de forage situées en plein désert, plateformes pétrolières ou gazières en mer, pays émergents, etc.
- Situations où la FO est tout simplement impossible
C'est le cas de tout ce qui touche aux transports (avions, navires, voitures autonomes, ...) ou à la mobilité (téléphonie mobile, GPS, forces armées en mouvement, ...), avec parfois l'obligation de temps de latence de quelques ms seulement (exemple d'une voiture autonome devant réagir instantanément face à un obstacle imprévu).
La réponse à tout cela réside dans les RTS (Réseaux de Transmissions Satellitaires). Il s'agit de constellations de satellites, positionnés sur des orbites bien plus basses que celle des satellites géostationnaires classiques (E, F), cela afin d'obtenir de plus faibles temps de latence (plus basse est l'orbite, plus faible est le temps de latence). Nous vivons dans un siècle où tout le monde est en droit d'avoir non seulement accès à l'Eau et à l'Electricité, mais également à Internet. L'un des objectifs de ces RTS est précisément de réduite la fracture numérique entre pays riches (ayant accès à Internet) et pays émergents (n'ayant pas accès à Internet dans bien des cas).
Voici deux exemples de ces RTS, particulièrement significatifs:
- Le premier a pour nom O3B (pour "Other 3 Billions"). Il s'agit d'une constellation de 20 satellites, fonctionnant depuis 2018, dans le but (comme son nom l'indique) de donner accès à Internet aux "autres trois milliards" d'humains qui en sont dépourvus. Ces satellites O3B sont positionnés à une altitude de 8 000 km le long de l’équateur, avec un temps de latence de 150 ms.
- Le deuxième a pour nom Starlink. Il est en cours de déploiement, sous l'égide du constructeur aérospatial SpaceX (Elon Musk). Il s'agit d'une constellation de plusieurs milliers de satellites de télécommunications (12 000 à horizon 2025), dont le but est d'offrir un service Internet Haut Débit partout sur la planète (avant tout dans les zones les moins densément peuplées et peu/pas desservies par un accès Internet classique). Ces satellites Starlink, positionnés sur une orbite terrestre basse (entre 550 et 1 300 km d'altitude), devraient permettre d'obtenir des temps de latence inférieur à 20 ms.
Sources | |
Pour qu’Internet traverse les océans, les câbles sous-marins (Conférence Télécom Bretagne) | |
Les câbles sous-marins (INSA Lyon) | |
Comment fonctionnent les câbles sous-marins de l'Internet ?Emission DQJMM/François Sorel) | |
Internet : pose d'un câble sous-marin (vidéo) | |
Un océan de câbles - Les autoroutes du Web | |
Internet est maritime : les enjeux des câbles sous-marins | |
La Fibre Optique | |
Fibre Optique : Comment ça marche ? (vidéo) | |
Les Satellites de Télécommunications (Futura Sciences) |
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