II y a 60 ans, très exactement le 21 septembre 1961 au Salon International de l'Automobile de Francfort, Renault présentait une nouvelle petite voiture, révolutionnaire à bien des égards. Il s'agissait de la "Renault 4", surnommée très rapidement "R4" ou "R4L" ou encore "4L".
En fait tout commença dans le milieu des années 50, en plein des "30 Glorieuses". La France vivait une profonde mutation. Beaucoup de femmes travaillaient, ce qui se traduisait par de meilleures ressources au niveau des foyers, au point que les plus modestes espéraient pouvoir réaliser enfin un rêve : s’offrir une voiture. Par ailleurs, le nouveau marché de l'emploi était accompagné d'un profond exode rural, les gens quittant la campagne pour se rapprocher des banlieues des grandes métropoles (exigence de moyens de déplacement).
Anticipant les besoins de cette société en pleine transformation, Louis Dreyfus, Directeur Général de Renault (de 1955 à 1975), lança le projet d'une petite voiture polyvalente avec un cahier des charges particulièrement draconien: "Voiture à tout faire, capable de transporter aussi bien une famille que des objets, des bagages et des outils. Peu coûteuse à produire, increvable, facile à conduire et à entretenir. Accessible au plus grand nombre à l’achat". Il répétait à ses équipes: " Faites-moi une voiture à l'image du 'Blue-Jean' (facile à mettre, solide et dans lequel on se sente toujours à l'aise) et avec du volume" !
En réalité, l'objectif était de proposer une voiture pratique, économique, séduisante et apte à concurrencer la Citroën 2CV (lancée 13 années plus tôt mais toujours en vogue, en ville comme dans les campagnes).
C'est ainsi que Renault présenta une petite voiture singulièrement différente des autres et très en avance à bien des égards. Avec ses quatre portes, son grand hayon arrière (véritable innovation à l'époque) et sa banquette arrière rabattable, elle offrait un espace intérieur modulable ainsi qu'un compartiment de charge spacieux et très facile d'accès (seuil de chargement très bas et plancher plat). A cela s'ajoutaient d'autres avancées techniques de tout premier ordre : absence de graissage, circuit de refroidissement fermé ne nécessitant pas d'appoint d'eau, grand débattement de la suspension, quatre roues indépendantes, carrosserie vissée sur le châssis facilitant les réparations. Par ailleurs, elle était également la première voiture de tourisme à traction avant produite par Renault.
Sa conception absolument ingénieuse fit qu'aucune modification significative ne fut nécessaire tout au long de sa production. C'est ainsi que la R4 demeura pratiquement inchangée durant 31 ans. Elle se distingua très vite par sa robustesse, sa facilité d'usage et de réparation, ainsi que son aisance en ville et à la campagne. Etant par ailleurs l'une des moins chères du marché, elle participa à la démocratisation de la voiture auprès du grand public, plaisant aux hommes mais aussi aux femmes. Elle permit à des milliers de personnes (de toutes les catégories, de toutes les classes, de tous les âges) de découvrir le monde et la vie.
- R4 Berlines
Dès le début (septembre 1961), trois modèles furent proposés au public: la "R3" (entrée de gamme), la "R4" (plus puissante) et la "R4 Limousine" (haut de gamme). Celle dernière bénéficiait d'une réelle qualité de finition : indicateur lumineux de niveau d'essence, 6 vitres latérales avec custodes pouvant s'entrebâiller, 2 pare-soleils, garniture de portières, garniture de pavillon, ventilateur de chauffage et chromes à profusion (enjoliveur de calandre, enjoliveurs de roues, pare-chocs, essuie-glaces, poignées de porte, enjoliveur de plaque de police arrière). Elle connut un très grand succès et l'appellation de "4L" (dérivé de "R4 L"/R4 Limousine) fit très vite l'unanimité.
En France, la R4 fut en tête des ventes de 1962 à 1965 (succédant à la Renault Dauphine), ainsi qu'en 1967 et 1968. Cette voiture à tout faire fut tout prisée des PTT, des Pompiers et de la Gendarmerie (celle-ci en fit l'acquisition de 15 000 R4, véhicule dans lequel il était possible d'être assis en conservant le képi sur la tête).
En 1963, Renault souhaita attirer la clientèle féminine vers la 4L. Pour ce faire, en collaboration avec le Magazine Elle et "Les Parisiennes" (nom d'un groupe de musique yéyé des années 1960), le constructeur lança l'opération "Elle prend le volant". Plus de 4 000 lectrices du magazine concerné furent conviées à essayer un modèle de 4L se distinguant par un habillage aussi exclusif qu'original : un dessin de cannage de couleur paille, sur le noir de la carrosserie, ou encore des motifs écossais (en vert ou rouge), habillaient portières, ailes arrière et hayon. À cela s'ajoutaient des éléments chromés, pour une distinction encore plus prononcée. Cette opération remporta un très vif succès et se traduisit par la sortie, en décembre de la même année, d'une 4L baptisée "La Parisienne". La chanteuse Sheila participa à la promotion de ce modèle. Elle en acquit un exemplaire ... qu'elle possède (parait-il) toujours.
En septembre 2013, une 4L blanche datant de 1984 et avec plus de 300 000 km au compteur fut offerte au Pape François, lequel avait confié en avoir possédé une dans le passé.
Consolidée comme un symbole de l'amie fidèle des Colombiens, une 4L rouge apparaît en 2020 dans le clip vidéo de la chanson "Amor de Amantes" du chanteur Jessi Uribe. Au rythme de la Cumbia, danse traditionnelle de la Colombie, cette chanson raconte l'histoire d'un homme qui découvre l'infidélité de sa partenaire et la douleur que cela lui cause; fort heureusement, il lui reste sa "fidèle 4L".
- R4 Fourgonnettes
En 1961, à l'exemple de Citroën avec sa 2CV AZU (Fourgonnette), Renault n’hésita pas à lancer, en même temps que sa berline, une version utilitaire. Cette R4 Fourgonnette, qui deviendra plus tard F4 et F6, allait connaître une carrière extraordinaire de longévité et devenir l’un des utilitaires préférés des Français.
La R4 Fourgonnette offrait une charge utile de 300 kg (puis 400 en 1971 et 440 en 1975) ainsi qu'un volume de stockage de 2 m3. Grâce à son unique siège (le deuxième était en option), son plancher plat et son “girafon” (ouverture située au dessus de la porte arrière, facilitant le transport d’objets volumineux tels que longues planches, échelles et autres), elle était particulièrement adaptée aux besoins d’une clientèle appréciant l'aspect pratique d’un tel véhicule.
En conservant la partie avant de la R4 Berline, la R4 Fourgonnette gardait un côté branché qui allait séduire le monde des artisans et des livreurs. Elle sera largement démocratisée par des organismes publics tels que les Pompiers, la Poste ou encore EDF, chacun ayant sa couleur distinctive.
- R4 Sportives
Assez vite, beaucoup de bricoleurs et de professionnels eurent l'idée de réaliser des véhicules sportifs à partir de la plateforme de la R4. En effet, à l'instar de la Volkswagen Coccinelle appréciée par une multitude de fabricants de voitures en kit à travers le monde, le châssis séparé de la R4 avec sa mécanique permettait de disposer d'une base simple et robuste à moindre coût.
Plusieurs modèles virent ainsi le jour, au nombre desquels : la R4 des frères Marreau, la 4L Évolution et la 4L SMC. Beaucoup participèrent à de nombreux Rallyes et autres compétitions du même style : Paris-Dakar, Monte-Carlo, Trophée Saloon Car, Coupe de France des Rallyes, Renault 4 Rallye-Raid de 1978 (traversée de l'Afrique de bout en bout), etc.
La 4L SMC elle-même s'illustra tout particulièrement dans la Coupe de France des Rallyes, avec le palmarès suivant : 2002 (6 rallyes nationaux disputés, 6 podiums dont 4 victoires), 2004 (8 rallyes, 8 podiums dont 4 victoires), 2008 (10 rallyes, 9 podiums dont 5 victoires), 2010 (9 rallyes, 8 podiums dont 4 victoires) et 2011 (5 rallyes, 5 podiums dont 4 victoires).
- R4 Spéciales
Devant l'énorme succès commercial de la R4 (Berline et Fourgonnette), Renault estima opportun d'exploiter le filon au maximum et, pour cela, décida de proposer diverses Séries Spéciales toutes basées sur la plateforme de la R4.
Citons tout d'abord la R4 Sinpar 4x4 annoncée au Salon de l'Auto 1962. Fabriquée en sous-traitance par la Société SINPAR (Société INdustrielle de Production et d'Adaptation Rhodanienne), elle est le premier modèle de R4 à quatre roues motrices. Capable de grimper des pentes de 45°, cette R4 Sinpar 4x4 acquit la réputation de pouvoir "grimper aux arbres".
Citons ensuite la R4 Plein Air qui fut présentée le 15 mai 1968. Cette voiture de plage en forme de cabriolet, reprenant la finition de la R4 Parisienne, s'adressait à une clientèle à la recherche de véhicules ludiques et séduisants. Elle fit partie des véhicules de service lors de l’Exposition Universelle de Montréal de 1968.
Citons encore la R4 Rodéo présentée au Salon de l'Auto 1970. Conçue à partir d'une plateforme de R4 Fourgonnette, elle était censée être la réplique de Renault à la Citroën Méhari (sorte de CV estivale à carrosserie en plastique). Malheureusement, elle ne connut pas du tout le même succès.
Et puis, en 1992, suite à l'évolution des normes antipollution imposant notamment l'utilisation du pot catalytique dès le 01/01/1993, Renault décida de mettre un terme à la production de la R4. Pour mettre en scène cet "Adieu à la R4", une série spéciale fut lancée : la "Bye-Bye". Celle-ci était constituée de 1 000 exemplaires de la R4 de l'époque (modèle R4 Clan avec moteur de 1 108 cm3), chacun portant une plaque numérotée estampillée "Bye-Bye" collée sur le tableau de bord en dessous de l'horloge à affichage digital. La première de ces voitures commercialisées portait le n° 1 000, la seconde le n° 999, etc. Celle portant le n° 1, la toute dernière R4 fabriquée en France, ne fut pas commercialisée; elle fut directement affectée au Musée Renault.
Fort heureusement, le mythe continue. De nombreux collectionneurs, à travers le monde, se livrent à leur passion pour maintenir en vie la R4, une voiture fort heureusement toujours facile à restaurer/entretenir (pièces détachées et châssis disponibles, parfois à l'état neuf). La vidéo ci-dessous en donne quelques exemples:
Sources diverses | |
Renault 4L : 60 ans d'anecdotes en vidéo | |
La Renault 4L fête ses 60 ans cette année : retour sur l’histoire d’une icône | |
Renault 4 (1961-1992) : Toute l'histoire de la 4L ! | |
Les frères Marreau en 4L ! | |
Renault 4 F4 et F6 : la reine des fourgonnettes (Article CarJager) | Cliquer ICI |
La 4L de Sylvie | Cliquer ICI |