dimanche 2 octobre 2022

Un petit mot sur un véritable "Magicien des Mots" ...

Comme on le sait, il n'y a rien de tel qu'un bon show d'un excellent Humoriste pour oublier un instant les problèmes du moment. On se laisse en effet très vite enjouer par la performance intellectuelle de l'artiste, basée le plus souvent sur une forme d'esprit joyeuse et satirique, caractérisée par un aspect vivace et piquant ...

A cet égard, on peut dire que l'un des plus grands Humoristes de notre génération fut incontestablement Raymond Devos (1922-2006)

Raymond Devos naquit le 9 novembre 1922 à Mouscron (Belgique) mais sa famille vint s'installer en France dès 1924. Contraint d'arrêter ses études dès l'âge de 13 ans, en raison de problèmes (financiers) familiaux, il commença alors à enchaîner les petits boulots. Ayant hérité de la sensibilité artistique de sa mère (celle-ci était adepte des jeux de mots et jouait parfaitement du violon et de la mandoline), il réalisa très vite qu'il possédait un véritable don pour raconter des histoires. Doté de plus d'une soif d'apprentissage immense, il mit un point d'honneur à acquérir la maîtrise absolue de la Langue de Molière; il apprit également à jouer de la harpe, de la clarinette et du piano.

Il s'inscrivit ensuite à des cours de Théâtre, hélas très vite interrompus par le déclenchement de la Deuxième Guerre Mondiale. Déporté en Allemagne dans le cadre du STO (Service du Travail Obligatoire), il en profita pour improviser plusieurs spectacles humoristiques pour le plus grand plaisir de ses compagnons d'infortune.

De retour en France, il suivit des cours de Mime à l'Ecole d'Etienne Ducroux (il y rencontra le Mime Marceau) puis à nouveau des cours de Théâtre. Il fit ensuite ses débuts dans un numéro à trois partenaires ("Les Trois Cousins"), puis commença à écrire ses premiers sketchs.

C'est alors qu'il eut la chance d'être repéré par Maurice Chevalier (1888-1972), lequel l'invita à assurer sa première partie à l'Alhambra. Ce fut le début de la consécration. Il se produisit ensuite dans de très nombreuses salles (Bobino, L'Olympia ...). Ses spectacles, qui mêlaient sketchs, mimes, jonglage, musique ou magie, le rendirent très vite extrêmement populaire ... 


Voici un exemple de composition, dont il adorait régaler son public:

C'est terrible ! Je suis bien obligé de le reconnaître : je suis raciste.
Je viens de m'en rendre compte en mettant en route ma lessive du jour.

J'ai séparé le blanc des couleurs. Affligeant ! 
Et dire que j'agis ainsi 
depuis des années !
Et circonstance aggravante, avec une lessive qui 
lave plus blanc que blanc.
C'est pathétique !

Comme Monsieur Jourdain dans un autre domaine, j'étais raciste sans le savoir.
Du  coup, je suis d'une humeur noire. Ça ne va pas arranger les choses.
Oh, je savais que je ne suis pas blanc comme neige.
J'ai connu des 
périodes noires.

Dans un précédent emploi, on m'avait donné carte blanche.
Résultat, 
j'ai monté une caisse noire. 
Quelque temps plus tard, alors que j'étais déjà connu comme le loup blanc, 
j'ai travaillé au noir.

Découvert, j'ai essayé de montrer patte blanche,
mais j'ai été placé sur liste noire.
Et comme disait le chanteur, noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir.
Alors que faire ?

Pour sûr, j'avais mangé mon pain blanc.
Je dirais bien que j'ai pleuré à l'arme blanche, mais ça serait de l'humour noir.
Alors dans la  glace, je me suis regardé dans le blanc des yeux.
Pas question de me retrouver dans une misère noire.
L'avenir restait une page blanche.
Inutile de voir tout en noir !

Je pouvais sortir blanchi de tout ce sombre passé.
Finis les noirs projets ! Je serais désormais plus blanc que neige !
Finie la série noire ... Et patatras, voilà que je me découvre raciste.
Mais c'était cousu de fil blanc. Je dois être la bête noire de
quelqu'un, c'est sûr.

Tout de même, ce sera un jour à marquer d'un caillou blanc.
Bon, je ne vais pas tout peindre en noir.
D'autant que c'est bientôt la semaine du blanc !

Inutile de broyer du noir. Ni de me faire des cheveux blancs.
Allez, je vais  me servir un petit noir. Et puis non, plutôt un petit blanc,
Avec un morceau de chocolat noir.
Et un peu de fromage blanc, ça me remontera ...

Tiens, il commence à faire nuit noire.
Je vais regarder un vieux film en noir et blanc.
Chouette, c'est une version originale, sous-titrée.
Si, si c'est écrit dans le programme. Noir sur blanc !

Et pour prolonger le plaisir, voici une excellente vidéo comprenant une petite compilation des meilleurs sketchs de ce très grand Humoriste:


A consommer sans modération ...

Ayant toujours eu deux patries, la Belgique et le France, Raymond Devos avait coutume de dire: 

Je suis né avec un pied en Belgique et un pied en France,
c’est pour cela que je marche les pieds écartés ! 

Il reçut de nombreux prix, notamment le Molière du Meilleur One-Man-Show (1989) et le Grand Prix de l'Humour (2001). Pour lui rendre hommage, la Monnaie de Paris fit éditer (1981) une Médaille en bronze (œuvre de Nicolas Carrega). Le Ministère de la Culture et de la Communication en fit de même en créant (2003) le Prix Raymond Devos destiné à récompenser un travail d’excellence autour de la Langue Française.

Considéré comme un poète, un jongleur des mots et de la rime au talent incomparable et irremplaçable, Raymond Devos tira sa révérence à la suite d’une attaque cérébrale le 15 juin 2006 à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines). Il restera éternellement célèbre pour ses jeux de mots, ses qualités de Mime, son goût pour les paradoxes cocasses, le non-sens et la dérision ...