dimanche 30 mars 2025

Apiculteurs de l'Extrême (Népal) ...

L'image d'Apiculteurs élevant leurs abeilles, protégés des pieds à la tête (tels des astronautes), nous est très familière. On les imagine récoltant le produit de leurs ruches (1): le miel bien sûr mais également la cire, la gelée royale, le pollen, la propolis et voire même le venin d’abeille. Les techniques utilisées pour cette récolte diffèrent beaucoup selon les variétés d’abeilles, le climat et le niveau de développement économique du pays concerné.

Le présent article, s'appuyant sur les remarquables travaux du photographe anglais Andrew Newey, s'intéresse à la collecte la plus rudimentaire qui soit encore d'actualité. Celle-ci a pour cadre les vallées himalayennes du Népal central et porte le nom de "Chasse au miel au Népal". C'est l'une des plus anciennes traditions humaines connues, mais également l'une des plus dangereuses. 

L'Himalaya est en effet le foyer de la plus grande abeille mellifère du monde, l'Apis laboriosa. Celle-ci a une taille pouvant atteindre 3 cm et ses piqures sont particulièrement redoutées (2). Les essaims d'Apis laboriosa construisent leurs nids sous des surplombs rocheux à flanc de falaises, à plus de 100 mètres de hauteur. Ces nids peuvent atteindre 1,5 m de diamètre et contenir jusqu'à 60 kg de miel. On comprend donc aisément que la récolte de ce miel, dans de telles conditions, puisse être particulièrement périlleuse. 

Une tradition millénaire

Cette abeille Apis laboriosa est la seule espèce capable de vivre entre 2 500 et 3 500 m d'altitude. Son miel est au centre d'une tradition, appelée "Chasse au miel" (Honey Hunting), perpétuée depuis plus de 10 000 ans par les membres de la Tribu Gurung, vivant au centre du Népal et venue du Tibet voisin.

Pourquoi ce miel himalayen est si recherché

Il s'agit très exactement du fameux Miel rouge de printemps. C'est en effet à cette période de l'année que les abeilles géantes collectent le nectar des rhododendrons (la fleur devenue le symbole du Népal) qui poussent à l'état sauvage dans l'Himalaya et dont la floraison se déroule entre mars et avril. 

Ce miel est alors produit dans les nids déjà évoqués, inaccessibles à d'éventuels prédateurs et orientés Sud-Ouest pour une exposition optimale à la lumière du soleil. Il est réputé pour avoir de nombreuses vertus:
  • Il a un goût tout simplement délicieux
  • Il a des propriétés hallucinogènes, liées à la présence de "grayanotoxine" dans le nectar des rhododendrons (3)
  • Il contient de l’alcool dit terpénique, procurant une ivresse comparable aux effets de l’absinthe. 
  • Il a des propriétés aphrodisiaques, le plaçant dans la même famille que les cornes de rhinocéros ou les ailerons de requin. 
  • Il a enfin des propriétés thérapeutiques, lui valant d'être également appelé "Miel de longue vie ou d’immortalité" (la prise d'une cuillère de ce miel, chaque matin, augmenterait les défenses immunitaires).
Tout cela explique que ce Miel rouge de l'Himalaya soit très prisé à l'exportation. D'une part pour être utilisé dans les médecines traditionnelles asiatiques (japonaises, chinoises et coréennes) et d'autre part pour traiter certaines infections et blessures (propriétés cicatrisantes). Son prix peut atteindre plusieurs dizaines de dollars américains par kilo.

Le respect de la tradition

Voici la tradition, particulièrement périlleuse, que les Gurungs s'attachent à perpétuer:
  • Une ou deux fois par an, pieds et mains nus, suspendus dans le vide, ils récoltent le miel sauvage des grandes ruches nichées en haut des falaises de l'Himalaya.   
  • Leurs seuls outils sont ceux qu'utilisaient leurs ancêtres: 
    • De longues échelles de corde tissées à la main, pour se hisser à la hauteur des ruches.
    • De longues perches de bambou pointues, pour détacher ces ruches remplies de miel et les déposer dans d'énormes paniers suspendus à cet effet.
C'est cet événement qu'Andrew Newey avait souhaité vivre en réel et immortaliser en photos. Pour cela, il n'avait pas hésité à accompagner un groupe de Gurungs, chasseurs de miel, en haut de ces falaises. Il en avait ramené toute une série de photos absolument impressionnantes, dont celles qui illustrent cet article (un très grand MERCI à ce talentueux photographe). 

Le même rituel et la même technique

Toujours le même rituel

L'initiative d'une chasse au miel est toujours du ressort de celui qui sera à la tête du groupe de chasseurs. Cet homme est l
Perengge (prononcer pé-ren-gué). C'est lui qui, suspendu dans le vide, aura la responsabilité de récolter le miel. Très respecté dans sa communauté, il est souvent appelé Guru (gourou, celui qui maîtrise). 

La première démarche du Perengge est d'obtenir la permission du Shaman (Chamane), chef spirituel de la communauté, considéré comme l'intermédiaire entre les membres de la Tribu et les Esprits. 

Une fois cette autorisation obtenue, le Perengge constitue son équipe (un groupe de chasseurs comprend environ une vingtaine de personnes) et distribue les rôles:
  • Les Rebokipes (prononcer ré-bo-ki-pés), au nombre de 8 environ, seront les "gardiens" de la longue échelle de corde (4 pour son sommet et 4 pour le pied).
  • Les Khudhapups (prononcer kou-da-poupes) seront chargés de traiter le miel collecté.
  • D'autres, dans un rôle d'Observateurs, aideront à guider les opérations (positionnement de l'échelle et des paniers par rapport aux nids).
  • D'autres enfin serviront d'Assistants pour des tâches diverses (déplacement des paniers, etc.).
L'étape suivante consiste à identifier et à préparer tout ce qu'il faudra transporter (à dos d'homme). Une telle "chasse" dure environ dix jours, impliquant d'établir un campement sur place, d'où la nécessité de disposer d'une certaine logistique (tentes, victuailles, matériel pour préparer la cuisine, récipients pour stocker le miel récolté, outils divers tels que machettes, armes pour se protéger des animaux sauvages, etc.).

Avant de se mettre en marche, les chasseurs de miel organisent une cérémonie pour apaiser les "Dieux de la Falaise". Cela comprend en général le sacrifie d'un mouton, l'offrande de fleurs/fruits/riz et des prières à ces Dieux pour que la chasse se déroule dans les meilleures conditions. Pour la circonstance, le Perengge revêt un habit cérémoniel tissé en fibres d’ortie (dont la fabrication demande plusieurs mois de travail). 

Toujours la même technique de récolte

Une cinquantaine de personnes s'enfoncent alors dans la jungle, lourdement chargées: les "chasseurs" eux-mêmes (environ 20 personnes), le Shaman (présence indispensable), des femmes (qui s'occuperont de la nourriture, etc.) et d'autres personnes qui aideront à entretenir et surveiller le campement. Après 
4 à 5 heures de marche, avec un très fort dénivelé, le groupe arrive enfin à l'endroit indiqué et le camp est installé.

Deux ou trois jours sont consacrés à la fabrication du matériel manquant: paniers, cordes, perches et notamment la fameuse échelle (pouvant atteindre 100 m de long) qui sera utilisée par le Perengge. Tout cela à partir de bambou, seul matériau disponible sur place, avec la participation de tous.
La "chasse" peut enfin commencer, avec la perspective de s'étendre sur plusieurs jours. Voici le déroulé typique de l'une de ces journées: 
  • Départ du camp en direction de la falaise où ont été repérés des nids. L'équipe de chasseurs est accompagnée d'un certain nombre de personnes. Les autres restent au camp, pour vaquer à diverses tâches (dont la préparation du repas qui sera pris le soir, quant tout le monde sera de retour au camp).
  • Une fois au pied de la falaise, des feux de brindilles sont allumés à la verticale du ou des nids ciblés. La fumée montante va affoler les abeilles. Celles-ci attaqueront, par centaines de milliers, avant de se disperser.
  • Au même moment, les chasseurs, avec le Perengge à leur tête et accompagnés du Shaman, grimpent au sommet de falaise toujours à la verticale du ou des nids.
  • Le Shaman et les chasseurs prient à nouveau les "Dieux de la Falaise". Leurs prières sont généralement accompagnées de trois sortes d'offrandes: des gâteaux, des œufs et de l'alcool.
  • Mise en place et surveillance de l'échelle (rôle des Rebokipes):
    • Les Rebokipes, comme indiqué plus haut, sont répartis en deux groupes. Ceux du premier prennent en charge la manœuvre de la partie haute de l'échelle. Ils amarrent celle-ci à un tronc d'arbre et en surveilleront en permanence la tension. Ils auront éventuellement à la déplacer (à mains nues), d'un nid à l'autre, si le Perengge le demande. 
    • Les Rebokipes du deuxième groupe sont affectés au contrôle de la partie basse de l'échelle, au moyen d'une corde qui est reliée à celle-ci. En tirant sur cette corde de tout leurs poids, ils pourront stabiliser l'échelle et la maintenir la plus rigide possible, en évitant qu'elle se balance dans le vide. Cette action facilitera considérablement le travail du Perengge. Le cas échéant, sur indication de celui-ci, ils pourront rapprocher et maintenir l'échelle assez près de la paroi de la falaise. 
    • Tout cela est réalisé avec l'aide d'un Observateur situé face à cette même paroi. C'est lui qui indique l'endroit le plus favorable où placer l'échelle, par rapport à la cible à atteindre (un ou plusieurs nids). C'est lui qui transmettra ensuite des instructions aux Assistants qui, depuis le haut, déplaceront le panier à l'aveuglette
  • Positionnement de ce panier, destiné à contenir le miel récolté. Il est suspendu au bout d'une corde, maintenue depuis le haut par les Assistants. Ces derniers pourront ensuite le déplacer, selon les instructions du Perengge et/ou de l'Observateur. 
  • Récolte proprement dite (rôle crucial du Perengge):
    • Devant un tel remue-ménage et encore excités par la fumée, tous les essaims ciblés (des centaines de milliers d'abeilles) attaquent en furie. Les chasseurs font alors le dos rond, en attendant que l'attaque se calme.
    • Au bout d'un moment (30 mn environ) le Perengge prend place sur l'échelle:
      • Il est seul, pieds et mains nus, suspendu à 100 m au dessus du sol.
      • Sa seule protection contre les abeilles est un sac en plastique (ou équivalent) placé autour de sa tête.
      • Dans l'obligation de pouvoir utiliser ses deux bras, il est amarré à l'un des barreaux de l'échelle au moyen d'une corde.
      • Il dispose d'une longue perche de bambou dans chaque main.  
    • A l'aide l'une de ces perches, il positionne le panier juste sous le nid ciblé (en relation avec les Assistants en charge du panier).
    • A l'aide de l'autre perche dotée d'un embout de bois taillé en lame plate, il découpe le nid d'abeilles et le fait tomber dans le panier. 
    • Le cas échéant, une fois le nid traité, il peut demander à passer à un nid voisin.
    • Quand le panier est plein, il est récupéré et descendu. Son contenu est alors aussitôt traité par les Khudhapups (4).
    • L'échelle est ensuite déplacée jusqu'à la hauteur d'un nouveau nid, et le cycle précédent reprend. A ce titre, la récolte le long d'une même paroi peut prendre entre 4 et 5 heures.
    • Durant toutes ces opérations, le Perengge est livré à lui-même et notamment lorsqu'il se déplace le long de l'échelle. C'est dans ces conditions acrobatiques qu'il doit faire front aux attaques répétées des abeilles. Souvent, ne pouvant en aucune façon quitter l'échelle, il en est réduit à se mettre en boule et à attendre stoïquement que les choses se calment. 
    • Tout simplement dantesque ...       
  • Retour au camp avant la tombée du jour. En effet, cette région étant le territoire de chasse des ours et des tigres (dont le fameux tigre du Bengale connu pour chasser la nuit), mieux vaut se mettre à l'abri.
Pour illustrer tout ce qui précède, je vous invite à regarder ce remarquable documentaire intitulé "Les Grimpeurs du Miel de l'Himalaya":

Une récolte à hauts risques et une tradition en péril

A l'évidence, ces "Apiculteurs de l'extrême" encourent énormément de risques. Il y a bien sûr les effets nocifs des centaines de piqûres d'abeilles qu'ils reçoivent chaque jour de chasse (lorsque le Perengge descend de son échelle, il est souvent couvert de sang et de cloques). Certains en arrivent à rester défigurés. Mais le risque le plus terrible est sans nul doute la chute, avec les conséquences que l'on devine. A ce titre, en cas d'accident mortel de l'un des chasseurs, la tradition veut que son nom soit donné à la falaise où il a perdu la vie. 

Pendant des siècles, les Kulungs sont restés coupés du monde extérieur grâce à la jungle qui les encerclent. Cela leur a permis de perpétuer et protéger cette tradition de la chasse au miel, intimement liée à leur culture. De génération en génération, les connaissances et les pratiques requises pour effectuer ces tâches dangereuses ont ainsi été transmises. Malheureusement, les choses sont en train de changer:
  • Il y a tout d'abord la chute de la population des abeilles géantes du Népal. Ce phénomène est lié aux opérations de déforestation de plus en plus importantes dans la région, ainsi qu'au réchauffement climatique.
  • Il y a ensuite l’appropriation progressive des falaises des communautés autochtones par le gouvernement népalais. Celui-ci octroie alors des droits de récolte du miel à des entreprises privées, face auxquelles les techniques de chasse ancestrales ne peuvent pas résister.
  • Il y a encore l'impact du Tourisme. De plus en plus de voyageurs s'intéressent à la chasse au miel, ce qui en fait l’un des thèmes de circuits les plus convoités du Népal. Ils se voient proposer des "Journées de chasse au miel" (plus ou moins "arrangées") à raison de plusieurs centaines de dollars américains par jour, dont une faible partie est reversée aux chasseurs de miel autochtones (5). On constate tristement que le côté mythique cède, peu à peu, la place au folklore (un peu à l'image des "Plongeurs d'Acapulco (Mexique)".    
  • Il y a enfin et surtout le manque de motivation des jeunes à suivre les traces de leurs aînés, en raison des risques encourus, des revenus limités et de l'appel de l'exode vers les villes. En effet, à l'époque du Smartphone et de tout ce qui tourne autour, on comprend qu'il puisse être difficile pour un adolescent Kulung d'imaginer son avenir en Perengge
C'est dire que cette grande et magnifique tradition des "Apiculteurs de l'extrême" pourrait être sur le point de disparaître ... 

  

Sources

Au Népal, la récolte à haut risque du miel hallucinogène

Cliquer ICI

The Ancien Art of Honey Hunting in Nepal

Cliquer ICI

Sur les traces du miel hallucinogène népalais

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Népal: Récolte du miel des abeilles géantes 

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(1) : Une colonie d’abeilles se compose d’une reine unique (femelle), de nombreuses ouvrières (femelles), d'un harem de faux-bourdons (mâles) et de couvain (ensemble des œufs, des larves et des nymphes protégés par les ouvrières d'abeilles). Une seule colonie occupant une seule ruche. 
(2) : Une seule de ces piqures peut condamner à garder le lit pendant une bonne semaine.
(3) : Il s'agit d'une neurotoxine qui peut avoir des effets hallucinogènes, mais également provoquer des nausées et altérer le rythme cardiaque.
(4) : Il s'agit d'un traitement relativement sommaire: le miel est nettoyé de toutes les abeilles qui y sont engluées puis filtré à travers un simple linge, avant d'être stocké dans des jerricans.
(5) : Les touristes ont même la possibilité d'escalader les parois concernées, équipés bien entendu d'un "Matériel 3.0", causant parfois des dommages à la falaise et aux sites de nidification.

dimanche 16 mars 2025

Il y a 70 ans, Citroën dévoilait la DS 19 devant un public en extase ...

Au Salon de l’Auto 1955, soit 70 ans en arrière, le nombreux public présent fut littéralement subjugué. En effet, sur le stand Citroën, tournait la nouvelle DS 19 ... évoquant un OVNI venu du Futur. 

Aussitôt dévoilée, la Citroën DS 19 dépassa le statut de simple véhicule et suscita un engouement sans précédent. Elle représentait une révolution dans l’univers automobile, illustrant l’audace et le savoir-faire français d’après-guerre. Sa silhouette aérodynamique, ses phares en forme d'yeux de chat et sa suspension hydraulique, digne d'un "tapis volant", semblaient effectivement venus d'un autre monde. 

Avec son design futuriste, ses innovations technologiques et son confort incomparable, la DS 19 allait marquer son époque et laisser un héritage inestimable dans l'histoire de l'Automobile.

I. Un projet ambitieux et secret, conduit par trois génies

L'histoire de la DS 19 a commencé bien avant sa présentation officielle. En 1933, André Citroën, le visionnaire fondateur de la marque, lança un projet secret baptisé "Projet V". L'objectif était de créer une voiture révolutionnaire qui surpasserait tout ce qui pouvait exister sur le marché: un projet qui, dans un premier temps, allait donner naissance à la mythique "Traction Avant"

Pour mener cela à bien, André Citroën recruta une équipe d'ingénieurs et de designers talentueux, dont notamment André Lefèbvre, Paul Magès et Flaminio Bertoni. Pendant des années, ceux-ci allaient travailler dans le plus grand secret, développant de nouvelles technologies et repoussant les limites du possible.

  • André Lefèbvre (1894-1964)
    En 1933, cet Ingénieur de formation (École Supérieure d'Aéronautique)  proposa ses services à André Citroën. Comme lettres de créances, il lui présenta le concept de ‘traction avant’ qu’il venait d’imaginer. Il fut embauché sur le champ avec le statut de Chef du Bureau d’Etudes, lui accordant la plus grande liberté.

    Il donna alors libre cours à son génie de la conception, ce qui se traduisit en mai 1934 par l'annonce d'une voiture révolutionnaire, la Traction Avant, un véhicule conçu et réalisé, à partir d’une feuille blanche, en exactement un an.

    Sa vision du modernisme, de l'aérodynamisme et de la légèreté feront des merveilles. Il sera à l’origine, en collaboration avec Paul Magès et Flaminio Bertoni, de la création de trois autres modèles de légende: la Citroën 2 CV, le Citroën Type H et la Citroën DS 19.

    Concernant la DS 19, il fut l'Ingénieur en Chef directement responsable des aspects ingénierie et développement. Cela en mettant fortement l'accent sur des caractéristiques telles que la suspension hydropneumatique révolutionnaire (en collaboration avec Paul Magès), la carrosserie aérodynamique (en collaboration avec Flaminio Bertoni) et la sécurité.
  • Paul Magès (1908-1999)
    Embauché chez Citroën à l’âge de 17 ans, en qualité de dessinateur et avec le BEPC comme  seul diplôme, Paul Magès gravit rapidement les échelons. Nommé Ingénieur “Qualité“ en 1940, il rejoignit peu après le Bureau d’Etudes pour y devenir le père de l’hydraulique chez Citroën.

    En effet, brillant inventeur, c’est lui qui mit au moins la fameuse suspension hydropneumatique (interaction d’un liquide et d’un gaz, dans une sphère, pour maintenir le véhicule à hauteur constante en toute circonstance) qui, dans un premier temps avec la 15 Six (1953) puis ensuite avec la DS 19 (1955), allait révolutionner le monde de l’Automobile.

    Il fut également à l'origine des solutions de type "Assistance Hydraulique" utilisées pour la direction (incluant le fameux rappel asservi DIRAVI), le freinage et le changement de vitesses semi-automatique.
  • Flaminio Bertoni (1903-1964)
    Cet homme hors du commun et aux talents multiples (sculpteur, architecte, peintre) naquit dans un milieu très modeste. Dès l’âge de 15 ans, à la mort de son père, il commença à travailler comme apprenti à la Carrozzeria Macchi de Varese, et eut ainsi l’occasion de se familiariser avec le travail de la tôle.

    Très vite, il se fit remarquer par ses dons de dessinateur et de sculpteur, qu’il perfectionna à l’École des Beaux-Arts de Varèse sous la direction de son maître Giuseppe Talamoni. Ayant ensuite rejoint l’usine Macchi, il s'y consacra au modelage de maquettes d’automobile. 

    Sa notoriété dépassa rapidement les frontières de l’Italie et, en 1932, il fut contacté par André Citroën qui lui confia la direction du Service “Style“. Il y restera pendant plus de trente ans, jusqu’à sa mort (1964), se consacrant à façonner l’image des véhicules au double chevron. C’est ainsi qu’il conçut les carrosseries de la Traction Avant, de la 2 CV, de la DS 19 et de l'AMI 6.

    Il fut à l'origine du design élégant et avant-gardiste de la DS 19, qui était à la fois révolutionnaire et emblématique de son époque. Son travail contribua à faire de cette voiture un symbole du design automobile français et à établir Citroën comme une marque innovante dans le domaine du design automobile.

II. Naissance d'une légende (1938-1955)

La naissance de la DS 19 est une histoire fascinante qui s'étend sur près de deux décennies, de 1938 à 1955. Cette période a vu la genèse d'une voiture qui allait révolutionner l'industrie automobile et devenir une légende.

Les grandes étapes du développement de la DS 19

  • Les Prémices (1938-1939)
    À la fin des années 1930, Citroën cherchait à développer une nouvelle voiture qui surpasserait encore la Traction Avant, déjà innovante pour son époque. C'est ainsi que fut lancé le "Projet VGD" (Voiture à Grande Diffusion), sous la direction de Pierre-Jules Boulanger, le visionnaire PDG de Citroën (il avait remplacé André Citroën, décédé le 3 juillet 1935). L'objectif était de créer une voiture moderne, confortable et accessible au plus grand nombre.
  • La parenthèse 1939-1945 
    Durant cette période correspondant à la 
    Seconde Guerre Mondiale, le développement du projet VGD fut interrompu. Les ressources et les priorités changèrent, mais l'idée de la future DS 19 continua de mûrir en coulisses.
  • La Reprise et le Développement (1945-1955)
    • En 1945, dès la fin de la guerre, Citroën reprit le projet VGD avec une nouvelle énergie. Les équipes dirigées par André Lefèbvre et Paul Magès se concentrèrent sur les innovations techniques; celle dirigée par Flaminio Bertoni prit en charge le design,
    • 1946-1950:
      Innovations Techniques - Les ingénieurs de Citroën travaillèrent sur plusieurs innovations clés, notamment la suspension hydropneumatique, le freinage assisté et la direction assistée. Ces technologies allaient devenir les piliers de la DS 19.
      Design Révolutionnaire - Flaminio Bertoni créa un design aérodynamique et futuriste qui tranchait avec les standards de l'époque. Le design de la DS 19 était à la fois fonctionnel et esthétique, visant à améliorer l'efficacité énergétique et la stabilité.
    • 1951-1954:
      Prototypes et Tests - Plusieurs prototypes furent construits et testés rigoureusement. Les défis techniques, tels que la complexité mécanique et la fiabilité des systèmes avancés, furent progressivement surmontés.
      Préparation de la Production - Citroën investit massivement dans la préparation de la production en série. Des usines furent modernisées et des mécaniciens spécialisés furent formés pour assurer le service après-vente.
    • 1955 (le lancement):
      Le 6 octobre 1955, au Salon de l'Automobile de Paris, la DS 19 était officiellement dévoilée. Comme indiqué plus haut, l'accueil fut immédiatement enthousiaste. La voiture fut saluée pour son design révolutionnaire et ses innovations techniques.
      En quelques jours, Citroën reçoit plus de 12 000 commandes, un succès commercial retentissant qui dépassait toutes les attentes.

Un contexte historique favorable

Effectivement, la DS 19 fut présentée en 1955 dans un contexte historique favorable. La France était alors en pleine reconstruction après la Seconde Guerre Mondiale et aspirait à un avenir meilleur. La DS 19, qui incarnait un esprit d'innovation et de progrès, fut immédiatement plébiscitée par le public.

A propos de l'appellation "DS 19"

  • Pourquoi DS ?
    Les lettres "DS" ont fait l'objet de nombreuses interprétations, et aucune n'a été officiellement confirmée par Citroën. Cependant, les hypothèses les plus répandues sont les suivantes:
    • Different Spirit: Cette interprétation est l'une des plus populaires. Elle suggère que "DS" signifie "esprit différent" en anglais, soulignant ainsi la volonté de Citroën de créer une voiture qui se démarquerait radicalement de tout ce qui existait sur le marché à l'époque.
    • "Déesse": Une autre interprétation, plus poétique, considère les lettres "DS" comme une abréviation du mot "Déesse".  Une façon d'évoquer la beauté et l'élégance de la voiture, ainsi que de souligner son caractère révolutionnaire et avant-gardiste (son côté OVNI).
    • "D" pour désigner une nouvelle série de voitures, succédant à la série "C" (comme la Traction Avant); le "D" pourrait venir aussi de l'usage du moteur le plus récent alors de Citroën, le "moteur série D", qui équipait la Traction 11 D jusqu'en juillet 1957
      Dans les deux cas, "S" signifiant "Spéciale" ou "Supérieure", pour indiquer qu'il s'agit d'un modèle haut de gamme.
  • Pourquoi 19 ?
    L
    e chiffre "19" fait référence à la cylindrée du moteur, qui était de 1,9 litre (ou 1911 cm³ précisément). Ce système de numérotation, associant le modèle (DS) à la cylindrée, était courant chez Citroën à l'époque pour désigner différentes variantes des voitures.
    Ainsi chaque évolution du moteur à quatre cylindres en ligne vers successivement 2,0, puis 2,1 et enfin 2,3 litres se traduira par autant de versions différentes (DS 20, DS 21 et DS 23).
Reconnaissons que la combinaison entre une dimension poétique et symbolique ("Déesse") avec une référence technique et pratique (la puissance fiscale) est celle qui reflète le mieux l'esprit de la DS, qui allie esthétique et innovation technologique.

III. Une révolution automobile (1955-1975)

La Citroën DS 19 était à la pointe de la technologie automobile de son époque et son design était tout aussi révolutionnaire. 

  • Des innovations technologiques d'avant-garde:
    La DS 19 a révolutionné l'industrie automobile grâce à sa suspension hydropneumatique, qui offrait un confort et une tenue de route exceptionnels en absorbant les imperfections de la route via des sphères remplies de gaz. Cette innovation était complétée par une assistance hydraulique pour le freinage, la direction et une boîte de vitesses semi-automatique. Les freins à disque procuraient une puissance de freinage exceptionnelle, garantissant une sécurité accrue. La direction assistée facilitait les manœuvres, même à basse vitesse. Quant à la boîte de vitesses semi-automatique, elle offrait une conduite souple et agréable. Ces avancées technologiques mirent la concurrence à rude épreuve, la reléguant à 20 ans en arrière. Les ingénieurs de Citroën durent néanmoins surmonter de nombreux défis pour faire de la DS 19 une voiture à la pointe de la technologie automobile de son époque.

  • Un design révolutionnaire:
    La DS 19 ne ressemblait absolument en rien à tout ce qui s’était vu auparavant. Elle se distinguait par un design révolutionnaire et futuriste. Flaminio Bertoni avait en effet voulu une carrosserie élégante et aérodynamique, marquant une rupture avec les lignes classiques des voitures contemporaines. Sa ligne fluide, avec un capot plongeant sans calandre, un coffre incliné et des feux de direction intégrés dans des cornets chromés, rompait avec les standards de l'époque. Sa silhouette aérodynamique, ses phares en forme d'yeux de chat et son intérieur moderne, comprenant des sièges en cuir confortables et un tableau de bord futuriste, en faisaient une véritable œuvre d'art sur roues. Le tableau de bord au design avant-gardiste présentait un volant mono-branche et un levier de vitesses hydraulique, maniable du bout des doigts (asservissement hydraulique), qui faisait également office de démarreur.

Lorsque Ferdinand Porsche en personne découvrit la Citroën DS 19 au Salon de l'Automobile de Paris, on rapporte qu'il aurait déclaré: "C'est la seule voiture au monde que j'aimerais avoir conçue. Elle est d'une autre planète !".

IV. Déclinaison sous diverses formes

La Citroën DS 19 a connu plusieurs déclinaisons importantes au cours de sa production (1955-1975), pour répondre à différents besoins et préférences des clients. Voici les principales:

  • DS 19 Berline:
    La version berline était la version standard de la DS 19, offrant un confort et une élégance inégalés. Elle était disponible en plusieurs niveaux de finition pour satisfaire différents segments de marché.
  • ID19:
    Une version simplifiée et moins coûteuse de la DS, introduite fin 1956, avec moins d'équipements de série et une mécanique plus conventionnelle (notamment sans direction assistée).
  • DS Break (Familiale):
    Lancée en 1958, la version break, appelée aussi "Familiale," se distinguait par une grande capacité de chargement et un espace intérieur généreux pouvant accueillir jusqu'à 8 personnes grâce à une troisième rangée de sièges. Idéale pour les familles et les besoins de transport volumineux, elle combinait praticité et confort.
  • DS Cabriolet:
    Produite de 1960 à 1971, carrossée par Henri Chapron, elle offrait une expérience de conduite à ciel ouvert. Elle était particulièrement appréciée pour son élégance et son exclusivité. Elle est aujourd'hui très recherchée par les collectionneurs, sachant que seulement 1,365 exemplaires ont été fabriqués. 
  • DS Coupé:
    Produite de 1959 à 1972, carrossée également par Henri Chapron, cette version était plus rare encore que le cabriolet. Elle se distinguait par son design plus dynamique et son intérieur luxueux. Il en existait plusieurs modèles comme "Le Dandy", "Le Paris", et "Le Léman", chacun avec des caractéristiques spécifiques. Ces coupés étaient de véritables créations semi-artisanales.
  • DS Prestige: 
    Produite de 1958 à 1974, cette version allongée (25 cm par rapport à la berline standard) et luxueuse était destinée aux personnalités et aux services officiels, avec son intérieur en cuir et une séparation vitrée entre le chauffeur et les passagers situés à l'arrière.
  • DS 20, DS 21, DS 23:
    Des versions plus puissantes sorties dans les années 1960 et début 1970, avec des motorisations de plus grosse cylindrée (cf. section II plus haut).
  • DS Ambulance:
    Produite de 1955 à 1975, cette version était spécialement aménagée pour les services médicaux. Elle 
    était appréciée pour sa suspension hydropneumatique, qui offrait un confort de transport exceptionnel pour les patients.
  • DS Pallas:
    Produite à partir de 1964, cette version offrait (par rapport à la berline standard) une finition haut de gamme ajoutant des équipements luxueux et des finitions spécifiques.

Ces multiples déclinaisons de la Citroën DS 19 ont permis de répondre à une large variété de besoins, qu'il s'agisse de véhicules familiaux, de voitures de prestige ou d'usages professionnels, renforçant ainsi sa popularité et son héritage dans l'histoire de l'Automobile.

V. Sur le plan commercial

Dès sa présentation, la DS 19 suscita un engouement sans précédent. Le public fut fasciné par son design futuriste et ses innovations technologiques. La presse fut également unanimement positive, saluant cette voiture comme totalement révolutionnaire.

La Citroën DS 19 connut un succès commercial retentissant dès son lancement et tout au long de sa production, avec cependant un certain nombre de défis à surmonter.

Un succès commercial extraordinaire en France et en Europe

La DS 19, produite de 1955 à 1975, s'est vendue à 1 455 746 exemplaires, ce qui en fait l'une des voitures françaises les plus vendues de l'histoire. Ce nombre inclut toutes les variantes du véhicule, telles que les berlines, les breaks, les cabriolets, les coupés, les ambulances et les fourgonnettes.

La DS 19 a également connu un immense succès à l'international, avec des exportations vers de nombreux pays. Sa réputation de confort, de sécurité et de design innovant a conquis des clients à travers le monde, faisant d'elle un symbole du design et de l'ingénierie française.

Défis liés à la complexité de la voiture

Pour autant, cette commercialisation ne fut pas un parcours sans embûches. Plusieurs défis majeurs durent être relevés:

  • Défis Techniques:
    Les innovations présentes dans la DS 19 ont introduit des défis techniques majeurs, nécessitant des solutions avancées pour garantir leur bon fonctionnement.
  • Réseau de Mécaniciens Spécialisés:
    La complexité mécanique du véhicule a exigé la formation de mécaniciens spécialisés capables de réaliser l'entretien et les réparations spécifiques à ce modèle.
  • Coûts de Production élevés:
    Les coûts de production élevés ont poussé Citroën à optimiser la fabrication pour rendre la voiture plus abordable. Cela a nécessité des efforts continus pour améliorer l'efficacité de la production.
  • Fiabilité Initiale:
    Les systèmes avancés de la DS 19 ont d'abord souffert de problèmes de fiabilité, notamment avec le fameux liquide rouge LHS (Liquide Hydraulique Synthétique) utilisé dans le circuit hydraulique, nécessitant des améliorations constantes et des programmes de rappel pour surmonter ces défis.
  • Acceptation du Marché:
    L'acceptation du marché n'a pas été immédiate. Des campagnes de marketing ont été nécessaires pour informer le public sur les avantages uniques de la DS 19 et promouvoir ses innovations.

Ces défis ont nécessité une gestion proactive et des efforts constants pour garantir le succès durable de la DS 19 sur le marché.

Un succès plus mitigé aux Etats-Unis

La DS 19, malgré son succès en Europe et son statut d'icône du design automobile, n'a effectivement pas connu un grand succès commercial aux États-Unis. Plusieurs facteurs expliquent cela:

  • Design trop avant-gardiste:
    Bien que son style ait été révolutionnaire, le design futuriste de la DS 19 semblait peut-être trop avant-gardiste pour le public américain, habitué à des voitures plus traditionnelles et imposantes.
  • Perception de la marque:
    Aux États-Unis, Citroën ne bénéficiait pas de la notoriété de certaines marques européennes mieux établies, comme Mercedes-Benz ou BMW, ce qui pouvait rendre les consommateurs plus hésitants à choisir cette marque.
  • Préférences du marché:
    Le marché américain avait des attentes différentes en matière de véhicules, favorisant les voitures longues, larges et ostentatoires. La DS 19, avec son design élégant mais discret ne correspondait pas toujours à ces attentes.
  • Réseau de concessionnaires limité:
    Citroën ne disposait pas d’un réseau de distribution et de service après-vente aussi développé que celui des constructeurs locaux, ce qui compliquait l’achat et l’entretien de ses modèles. De plus, son manque de reconnaissance aux États-Unis par rapport à des marques européennes comme Mercedes-Benz ou BMW augmentait l'hésitation des acheteurs potentiels.
  • Technologie complexe:
    Les innovations techniques de la DS 19, comme la suspension hydropneumatique, étaient difficiles à maintenir pour des mécaniciens non formés à ces systèmes. Bien que la DS 19 fût équipée de technologies avancées, telles que la direction assistée ou les freins à disque, cette sophistication rendait son entretien plus coûteux et compliqué, ce qui représentait un obstacle pour les propriétaires américains.
  • Puissance limitée:
    Les moteurs de la DS 19 (initialement des 4 cylindres de 1,9 litre) étaient nettement moins performants que ceux des voitures américaines de l’époque, souvent dotées de moteurs V8. Ce qui ne répondait pas aux attentes locales. 
  • Normes de sécurité:
    Les évolutions des réglementations en matière de sécurité automobile aux États-Unis dans les années 1960 ont présenté des défis pour Citroën, qui devait adapter ses modèles.
  • Taux de change défavorable:
    A l'époque, la force du franc par rapport au dollar rendait la DS 19 relativement onéreuse pour les acheteurs américains, ce qui limitait son attractivité pour une grande partie des consommateurs américains.
  • Contexte culturel:  
    Les voitures françaises n'étaient pas toujours bien perçues aux États-Unis, ce qui influençait les décisions d'achat. 
  • Marketing inadapté:
    La stratégie marketing de Citroën n’était peut-être pas suffisamment adaptée aux spécificités du marché américain.

VI. Une brillante carrière sportive

La DS 19 participa à de très nombreuses compétitions, avec des résultats spectaculaires dont voici les principaux:

Année

Compétition

Voiture gagnante

1959

Rallye de Monte-Carlo

Citroën DS

1961

Tour de Corse

Citroën DS

1962

Rallye des 1000 Lacs (Finlande)

Citroën DS

1963

Tour de Corse

Citroën DS

1966

Rallye de Monte-Carlo

Citroën DS

1969

Rallye du Portugal

Citroën DS

1969

Rallye du Maroc

Citroën DS

1970

Rallye du Maroc

Citroën DS

1971

Rallye du Maroc

Citroën SM

1974

Rallye intercontinental Wembley-Munich

Citroën DS

VI. De nombreux Prix et Distinctions

La Citroën DS 19, véritable icône révolutionnaire de l'automobile, a conquis l'admiration du public et des professionnels, accumulant de nombreux prix et distinctions au fil de sa carrière. Bien qu'une liste complète et officielle de ses récompenses n'existe pas, voici une trace des principaux trophées qui ont marqué son parcours:

  • 1956 - Prix de l'Innovation de l'Année:
    La DS 19 est récompensée pour ses technologies avant-gardistes, notamment la suspension hydraulique et les freins à disque.
  • 1959 - Prix de l'Automobile de l'Année:
    La DS 19 est reconnue pour ses innovations techniques et son design révolutionnaire. Bien que le prix de l'Automobile de l'Année n'ait été créé qu'en 1964, la DS 19 est rétrospectivement citée comme l'une des voitures les plus influentes de son époque.
  • 1962 - Voiture officielle de la République:
    Le Général de Gaulle abandonne sa 15 Six et fait de la DS 19 la voiture officielle de la République, rendant ainsi un sublime hommage à la technologie française. La DS présidentielle, immatriculée "3 PR 75", sera utilisée jusqu'en 1969 (cette voiture 
    et son chauffeur lui sauveront la vie, lors de l’attentat du Petit-Clamart). Une autre, immatriculée "1 PR 75", fut fabriquée par les ateliers Henri Chapron sur la base d'une "DS Prestige". Elle était utilisée lors des grands événements (visites d'État, etc.).
  • 1967 - Prix de la Sécurité Routière:
    La DS 19 reçoit une distinction pour ses avancées en matière de sécurité, notamment grâce à son freinage assisté et à sa suspension hydropneumatique, qui offraient une meilleure tenue de route et une plus grande sécurité pour les passagers.
  • 1999 : Double distinction
    LDS 19 est récompensée par une troisième place au "Concours International de la Voiture du Siècle" (Miami, Floride), derrière la "Ford T" et la "Mini".
    Cette même année, elle est élue “Plus belle voiture de tous les temps“ par le magazine britannique "Classic & Sports Car". 
  • 2000 - Prix de l'Innovation Technique:
    La DS 19 est reconnue pour ses innovations techniques, notamment sa suspension hydropneumatique, son freinage assisté et sa direction assistée. Ces innovations ont été saluées par divers prix d'innovation dans l'industrie automobile.
  • 2002 - Entrée au Musée d'Art Moderne de New York (MoMA):
    Reconnue comme une icône du design, la DS 19 a été intégrée à la collection permanente du "MoMA" pour son impact esthétique et technologique.

VII. Impact et héritage de la DS 19

La DS 19 a marqué un tournant révolutionnaire dans l'industrie automobile. Son design avant-gardiste et ses innovations technologiques ont redéfini les normes de l'époque et continuent d'influencer le secteur automobile aujourd'hui.

  • Design Avant-gardiste
    Le design de la DS19 était radicalement différent des voitures des années 1950:
    • Formes fluides et futuristes : Son apparence, comparée à une soucoupe volante ou à un objet sculptural, a captivé le public et les médias.
    • Intérieur ergonomique : Le tableau de bord et les sièges étaient conçus pour le confort et la modernité, avec des matériaux de qualité.
    • Phares directionnels : Une innovation qui permettait aux phares de suivre les mouvements du volant, améliorant la visibilité nocturne.
  • Innovations Technologiques
    La 
    DS 19 a introduit plusieurs 
    technologies révolutionnaires pour l'époque: 
    • Suspension hydropneumatique : Un système de suspension à haute pression hydraulique offrant un confort de conduite exceptionnel et une hauteur de caisse réglable. Cette technologie a influencé de nombreux véhicules ultérieurs, y compris ceux de Citroën elle-même (comme la CX et la XM).
    • Freins à disque à l'avant : La DS 19 était l'une des premières voitures à adopter des freins à disque à l'avant, améliorant considérablement la sécurité.
    • Direction assistée : Une direction assistée hydraulique, rare à l'époque, rendait la conduite plus facile et plus précise.
    • Carrosserie aérodynamique : Son design profilé, œuvre de Flaminio Bertoni, réduisait la traînée et améliorait l'efficacité énergétique.

Ces innovations ont inspiré d'autres constructeurs et contribué à l'évolution globale de la technologie automobile. De nombreuses voitures ultérieures se sont inspirées de la DS 19, comme la CX et la XM de Citroën, de même que la Rolls-Royce Silver Shadow.

  • Impact Culturel et Symbolique
    L
    DS 19 est devenue un symbole de modernité et de progrès : 
    • Succès immédiat : Dès sa présentation, elle a suscité un engouement extraordinaire, avec 12 000 exemplaires vendus le jour même (cf. plus haut) et 80 000 commandes en dix jours. Un record pour l'époque.
    • Icône française : Elle a incarné le renouveau de la France après la Seconde Guerre mondiale; son design distinctif et son statut de symbole de l'innovation française en ont fait un objet de fascination mondiale.
    • Rôle politique : La DS 19 a été utilisée par des personnalités politiques, notamment le Président Charles de Gaulle qui survécut à une tentative d'assassinat en 1962 grâce à la maniabilité et à la suspension de sa DS. 
    • Présence dans la culture populaire : La DS 19 est apparue (et continue d'apparaître) dans de nombreux films, séries télévisées et livres, renforçant son statut d'icône culturelle et incarnant le luxe, la modernité et le raffinement à la française.
  • Héritage L'héritage de la DS19 est immense et se manifeste à plusieurs niveaux :
    • Influence sur l'industrie automobile : Ses innovations technologiques, comme la suspension hydropneumatique, ont inspiré d'autres constructeurs et ont été utilisées pendant des décennies.
    • Marque "DS Automobiles" : En 2009, Citroën a relancé le nom "DS" en tant que marque premium, rendant hommage à l'esprit innovant et élégant de la DS19.
    • Design intemporel : Son design reste une référence dans le monde de l'automobile et du design industriel, souvent cité comme l'une des plus belles voitures jamais créées.
  • Voiture de collection très recherchée
    Différentes améliorations (cylindrée, finitions, …) ont permis à cette extraordinaire voiture de poursuivre une carrière jusqu’en 1975, la référence restant la DS 23 IE Pallas (cf. photos ci-dessous):

Aujourd'hui, les Citroën DS 19 d'époque sont devenues des objets de culte pour les amateurs de voitures anciennes et les collectionneursLeur valeur ne cesse d'augmenter et les passionnés sont prêts à débourser des sommes délirantes pour en acquérir un exemplaire en bon état. C'est ainsi qu'une DS 23 Cabriolet s'est vendue 344 850 € en février 2009 (cf. photo ci-dessous).

Conclusion

La Citroën DS 19 est bien plus qu'une simple voiture; c'est une légende automobile avec une silhouette futuriste, des innovations technologiques marquantes et un confort inégalé. Elle est devenue une icône culturelle symbolisant l'audace et le savoir-faire français, fascinant et inspirant encore aujourd'hui.

Pour ses admirateurs, elle n'est pas seulement une voiture, mais une œuvre d'art intemporelle. Son design et sa technologie révolutionnaires en font une véritable machine à remonter le temps. La posséder, c'est détenir un morceau de l'histoire de l'Automobile et rouler dans une légende vivante.

La DS 19 est souvent citée parmi les voitures les plus accomplies de l'Histoire, sans égale, partageant le statut de symbole national de réussite avec des prouesses technologiques françaises comme la Caravelle, le TGV et Concorde. Elle représente un tournant majeur dans l'industrie automobile mondiale, combinant technologie, design et symbolisme culturel. Son héritage continue d'influencer les générations futures.


Un seul grand regret:
Que Citroën n'ait pas pu faire avec sa DS 19
ce que Porsche a réussi avec sa "911" !!!